Le Tempo pour stimuler le cerveau pour être plus performant est-il efficace ?

La méthode de stimulation magnétique transcrânienne n’est pas nouvelle ; on retrouve les premières recherches sur le sujet dans les années 1980. Cependant, et malgré ses résultats probants sur de nombreux troubles psy (dépression, anxiété et TOC, notamment), cette pratique qui permettrait d’avoir la main moins lourde sur les antidépresseurs reste relativement confidentielle en France.

La stimulation magnétique transcrânienne (SMTC) est une méthode non invasive et indolore qui utilise des ondes électromagnétiques pour stimuler le cortex, à l’aide d’une bobine que l’on pose sur des zones précises du crâne. Dans les cas de dépression, par exemple, on stimulera le cortex préfrontal gauche ou droit.

LE NEUROTRACKER, POUR AMÉLIORER LA PERCEPTION DES JOUEURS SUR LE TERRAIN

Quelle médecine pour une société régie par le stress ? Aujourd’hui, le monde médical tente de trouver de nouveaux traitements permettant de soigner ce mal du siècle, dont la méditation de pleine conscience. Et si la médecine orientale et la médecine occidentale ne faisaient plus qu’un ?

« J’ai l’impression que les neurosciences permettent de redécouvrir vraiment les sportifs en comprenant qu’ils ont un cerveau particulier, une intelligence particulière ». Benoît Laborde fait partie de ceux qui ont interrogé la science pour tenter de décrypter les marges de progression des athlètes de haut niveau.

« C’est comparable à ce qu’il se passe chez le kinésithérapeute : on ne change pas la nature de la cellule mais, selon la fréquence qu’on lui applique, on l’active ou on la met au repos. C’est une simple modification de son fonctionnement », explique le Dr Meunier, médecin psychiatre qui la pratique depuis de nombreuses années dans ses centres contre la dépression.

Dérivée moderne des thérapies par électrochocs, la SMTC est une méthode bien entendu beaucoup plus douce. « Certains protocoles sont plus ou moins agréables », indique Myriam Cordelle, psychologue pratiquant la SMTC au centre SOS Anor, à Paris. « En fonction de la sensibilité de chacun, de son seuil de tolérance à la douleur, on peut trouver la séance désagréable, mais c’est très rare que ce soit douloureux », ajoute-t-elle.

STIMULER LES IMPULSIONS ELECTRIQUES DU CERVEAU

Combinaison d’une onde électrique et d’une onde magnétique oscillant à la même fréquence, les ondes électromagnétiques sont capables de rentrer en résonance avec les impulsions électriques naturelles de notre cerveau. En effet, le cerveau est un énorme générateur d’impulsions électriques qui servent de courroie de transmission d’informations entre les 80 à 100 milliards de neurones de notre cerveau.

Or, dans les cas de dépression, certains neurones responsables de l’équilibre moral se trouvent en sur ou en sous-activité. La SMTC les stimule, ce qui semble réactiver naturellement la production de neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, acétylcholine, GABA), restaurant ainsi l’activité normale des zones touchées par la dépression.

L’utilisation de la SMTC se traduit par « une dépolarisation de l’activité électrique du cerveau, qui modifie son fonctionnement en activant ou en inhibant la zone cérébrale. En cas de suractivité ou sous-activité d’une zone, déterminée grâce à des IRM fonctionnelles, on choisit de la stimuler ou de l’inhiber. Dans les cas de dépression, c’est fréquemment la zone corticale gauche qui est sous-activée », ajoute le Dr Meunier.

S’il était besoin de le rappeler, la dépression n’est pas une simple « baisse de moral ». Comme l’indique Myriam Cordelle, un épisode dépressif peut être caractérisé par un ou plusieurs symptômes, qui sont les conséquences physiques et psychiques de la tristesse et de l’envol de l’envie : manque d’appétit, perte ou gain de poids, troubles du sommeil, difficultés de concentration et de mémorisation, absence de libido, idées noires ou suicidaires, ralentissement psychomoteur… Le corps et la pensée ne fonctionnent plus à un rythme habituel. On parle de dépression profonde lorsque les symptômes sont invalidants, par exemple lorsque l’on ne peut plus se lever ou même parler.

Patients concernés par la stimulation magnétique transcrânienne

Surtout connue et utilisée pour traiter les états dépressifs, la SMTC séduit de plus en plus de patients et de praticiens. Les témoignages se multiplient sur d’autres troubles tels que l’anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et même la boulimie.

La SMTC est une thérapie qui pourrait être prescrite en première intention, estime le Dr Meunier, comme c’est le cas aux États-Unis. Mais le système de soins français fonctionne, un peu par réflexe, avec des médicaments. La SMTC est donc souvent proposée lorsque les molécules des antidépresseurs ne fonctionnent pas (20 à 30 % des cas tout de même), ou pour des patients qui supportent mal les effets secondaires des médicaments (personnes âgées par exemple). Le Dr Meunier précise qu’il ne voit pas de raison valable de ne pas prescrire ce traitement en première intention, sauf en cas d’attachement excessif du patient à l’idée que seul un médicament peut le soigner.

Les effets secondaires sont quasi inexistants si on les compare à ceux des médicaments antidépresseurs : quelques légers maux de tête et de la fatigue juste après la séance, parfois jusqu’à quinze jours après. « La fatigue juste après la séance peut s’expliquer par un relâchement chez les patients tendus à l’extrême. Nous avons par ailleurs constaté une amélioration du sommeil », nuance le Dr Meunier. Sur le long terme, aucun effet secondaire n’a été constaté.

Les contre-indications existent, mais sont peu nombreuses : épilepsie, grossesse, présence de matériel métallique de type pacemaker ou d’implants dans le crâne (auditifs notamment). La SMTC n’est pas non plus indiquée pour les enfants. En revanche, contrairement à ce que l’on pourrait croire, avoir des plombages et des implants dentaires ne pose pas de problème.

Il est impératif de ne pas consommer de substances psychotropes à cette période : une personne qui boit de l’alcool, prend de la cocaïne ou du cannabis ne pourra pas suivre le traitement, car les drogues réduisent de façon importante les effets de la stimulation, modifiant le fonctionnement du cerveau.

Durée du traitement… et de ses effets

Le diagnostic est fondamental, car la gravité du trouble donne le tempo du traitement. C’est donc un traitement qui doit être adapté à chaque patient, sans durée type. En cas de dépression profonde, il n’est pas rare de commencer par dix séances, à raison d’une séance par jour, renouvelables en cas de besoin. Lorsque les symptômes dont la personne souffrait ont été diminués, un accompagnement psychologique est nécessaire pour prévenir les rechutes.

En cas de bipolarité – considérée comme un trouble chronique, précise Myriam Cordelle –, les patients se connaissant bien et étant habitués à leur bipolarité reviennent quand ils sentent qu’ils rechutent, une fois par an ou tous les six mois. Faire une cure permet de ne pas retomber dans une phase dépressive.

Une pratique validée et remboursée… mais pas en France

La SMTC est approuvée par la Food and Drugs Administration américaine depuis 2008, sur la base de six méta-analyses. Elle est donc remboursée aux États-Unis, mais également au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie. En France il n’y a pas, pour le moment, d’études scientifiques sur le sujet, et cette pratique n’est pas remboursée. Elle est donc moins accessible, et son coût dépend des centres.

Myriam Cordelle confirme le tarif de 60 euros la séance dans le centre où elle exerce. Dans le milieu hospitalier français, certains praticiens facturent une journée d’hospitalisation pour cinq séances afin que le patient soit remboursé.

Le rôle de l’alimentation, de l’hygiène de vie et de l’accompagnement thérapeutique

De la même manière qu’on ne peut prétendre guérir une dépression par la prise d’antidépresseurs sans s’interroger sur ses causes et tenter d’agir sur elles, on ne peut se contenter de séances de SMTC. Tenter de réfléchir à ses choix de vie et à la manière dont ils se répercutent sur notre quotidien est sans doute important. Par ailleurs, le fonctionnement des neurotransmetteurs et leur bon équilibre sont conditionnés par la qualité des aliments que l’on ingère.

Par exemple, la dopamine (neurotransmetteur de la recherche du plaisir dont l’activité est ralentie dans les états mélancoliques) est synthétisée à partir de protéines. La sérotonine (dont la baisse de production caractérise la dépression) est produite grâce au tryptophane, un autre acide aminé. La complémentation en vitamines du groupe B et en acides gras essentiels est à envisager également.

Un régime alimentaire riche en fruits et légumes, fibres, viandes maigres et huiles végétales ou de poisson est recommandé contre la dépression. De même, le lien entre l’état de la barrière intestinale, l’équilibre du microbiote, une situation d’inflammation chronique dommageable au cerveau et des troubles psychiques est de plus en plus mis en avant dans les recherches.

« Même si l’hygiène de vie joue un rôle, il ne faut pas oublier qu’il peut y avoir des facteurs héréditaires dans la dépression », nuance le Dr Meunier. Et de préciser : « On accompagne nos patients avec des éléments comme du lithium en oligo-élément, de l’héliothérapie [cure de lumière, ndlr] en hiver ainsi que des thérapies ; sachant qu’en cas de dépression profonde, une cure de luminothérapie vous fera du bien sans vous tirer d’affaire. Chaque patient a des besoins différents, et c’est le diagnostic qui permet de mettre en œuvre le protocole adapté, un peu comme dans la haute couture. »

UTILISER LA SMTC POUR SOIGNER D’AUTRES PATHOLOGIES ?

Le champ des applications potentielles de la SMTC va des suites d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) aux troubles moteurs de Parkinson en passant par la fibromyalgie, les douleurs chroniques ou certaines dyslexies.

Créé en 2008 à Paris par le Dr Meunier et le psychothérapeute Boris Guimpel, le Centre de la dépression indique obtenir des résultats sur les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les troubles anxieux, le stress et la dépression post-traumatique, mais aussi les addictions de toutes sortes, les troubles du comportement alimentaire et du spectre autistique, les hallucinations auditives et les acouphènes.

La SMTC, une panacée ? « Ce n’est plus le corps qui soigne la tête, mais la tête qui soigne le corps. Grâce aux IRM fonctionnelles, nous pouvons visualiser quelle zone du cerveau est affectée dans chaque pathologie. Nous en sommes au début des découvertes et recherches sur la SMTC, mais les applications semblent nombreuses », confirme le Dr Meunier.

Il existe environ 500 machines en France, principalement installées dans les centres hospitaliers universitaires et les centres privés. La stimulation magnétique transcrânienne est, actuellement, le plus gros budget européen scientifique en recherche. L’exploration du cerveau n’en est qu’à ses débuts, estime le Dr Meunier, qui conclut : « Il y a deux astres que l’on ne connaît pas : le cerveau et Mars ! »

Références

Être mieux quand on va mal – Comment retrouver le moral sans antidépresseurs, du Dr Alain Meunier et Boris Guimpel, éd. Michel Lafon, 2011.

« Le rôle potentiel du microbiote intestinal dans les troubles psychiatriques majeurs : mécanismes, données fondamentales, comorbidités gastro-intestinales et options thérapeutiques », dans La presse médicale, 2016.

“The neuroactive potential of the human gut microbiota in quality of life and depression”, dans Nature Microbiology, 2019.

“Transcranial electrical stimulation improves phoneme processing in developmental dyslexia”, dans Brain Stimulation, 2019.

“Updates on Transcranial Magnetic Stimulation Therapy for Major Depressive Disorder”, dans Psychiatric Clinics of North America, 2019.

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