Par Stephane Bigeard, à propos d’Action/Types …
LES PREFERENCES MOTRICES – golf mag n°313 mai 2016 : ici
Au cours de la vie foetale, notre cerveau a développé des connexions nerveuses préférentielles qui vont activer certains muscles qui seront dominants tout au long de notre vie … ce sont les préférences motrices.
Ces préférences jouent un rôle important non seulement dans la vie de tous les jours mais surtout dans notre activité sportive. Ces muscles sont le moins énergivores pour un effort maximum.
C’est pourquoi il n’y a pas une seule bonne façon de courir, de shooter dans un ballon, de frapper une balle… Il faut respecter les schèmes moteurs en s’adaptant au mieux aux contraintes sportives.
Une démarche totalement centrée sur le développement des points forts !
Nous possédons tous une motricité spécifique, organisée de manière complexe et cohérente. Identifier sa motricité préférentielle et les particularités de sa coordination permet de libérer le mouvement naturel.
« Le corps ne peut pas se plier à la technique, la technique doit céder face à l’intelligence du corps »
«Les sportifs ont tous leur propre façon de bouger, de se coordonner dans l’espace… Une fois que leurs préférences sont connues, il s’agit de travailler sur leurs forces, et non sur leurs faiblesses.»
Les entraîneurs apprennent désormais à différencier les potentiels de départ des sportifs.
TENDANCE.
Le sport d’élite ne peut plus passer à côté de l’individualisation de chaque athlète.
Action – Types® est né dans le monde du sport de Haut Niveau, dans les années 90, du travail empirique de deux entraîneurs/chercheurs soucieux d’améliorer leur efficacité.
Les questionnaires écrits de personnalité n’apportant pas de réponses satisfaisantes dans la compréhension et le coaching des sportifs, les concepteurs d’Action-Types® ont cherché une autre voie.
En fondant leurs travaux sur leurs expériences d’entraîneurs, mais aussi sur un modèle neurologique issu des dernières recherches en la matière, ils ont identifié sur les sportifs différents types de « câblages » génétiquement prédisposés, réglant directement leurs habiletés physiques et cérébrales.
Ils ont ensuite conçu des tests de motricité physique permettant d’identifier ces différents modes de fonctionnement physique et cérébral.
ACTION/TYPES C’EST QUOI ?
Pour Bertrand Théraulaz et Ralph Hippolyte, fondateurs de l’Approche Action/ Types (AAT), l’aspect psychologique de chaque individu est intimement lié à son corps, son épanouissement et l’utilisation qu’il en fait.
Différents tests très simples leur ont permis de définir 16 profils d’individus bien distincts, qui permettent à un coach de mieux connaître, comprendre et communiquer avec un athlète. Et donc de mieux l’entraîner.
Le génial Ralph Hippolyte … Le non moins génial Bertrand Théraulaz…
Les entraîneurs ont longtemps «tué» l’instinct des jeunes sportifs.
La tendance a changé: ils apprennent désormais à différencier leurs potentiels de départ. Le sport d’élite ne peut plus passer à côté de l’individualisation de chaque athlète. PAR KARINE ALLEMANN
Dans le sport de haut niveau, l’athlète est étudié, mesuré et analysé dans le détail.
Après l’ère de la préparation physique high-tech et de la préparation mentale professionnelle: voici venue celle du profilage.
En clair, envisager chaque athlète différemment selon ses préférences motrices naturelles.
Car deux siècles d’existence pour apprendre à taper un ballon de foot ou de basket ne sont rien comparés à l’évolution de la civilisation humaine depuis des millénaires.
«Notre but est de remettre le mouvement au centre et à la base de tout, explique Bertrand Théraulaz. Au départ, l’Homme a dû bouger pour survivre. C’est pour cela que le cerveau s’est développé. Et non le contraire.»
Responsable de la formation des entraîneurs professionnels à l’Office fédéral du sport, à Macolin, Bertrand Théraulaz est aussi l’un des deux fondateurs de l’Approche Action/Types.
Pionnière dans le domaine il y a vingt ans déjà, cette méthode fait désormais partie du cursus de formation des entraîneurs élites, sensibilisés à l’individualisation de leur programme d’entraînement en fonction des préférences motrices de chaque athlète.
«Les sportifs ont tous leur propre façon de bouger, de se coordonner dans l’espace…
Une fois que leurs préférences sont connues, il s’agit de travailler sur leurs forces, et non sur leurs faiblesses.»
Voilà qui tord le cou à des décennies d’enseignement du sport selon le principe: faites tous exactement le geste que l’entraîneur vous montre. «C’est pour cela qu’il faut coacher l’intention et non l’action», précise Bertrand Théraulaz.
FRUSTRER 50% de l’équipe
Un exemple: se déplacer balle aux pieds au foot.
«On apprend souvent aux enfants à lever la tête quand ils bougent avec la balle. Alors que, c’est une question de centre de gravité, 50% des gens seulement ont une meilleure vision le menton relevé et les yeux vers le bas. Comme Zidane ou Maradona.»
Mais l’autre moitié sera meilleure balle aux pieds avec le menton vers le bas. «Beckham et Benzema, notamment. Si un entraîneur persiste à demander à ses jeunes de lever la tête, il mettra mal à l’aise la moitié de son équipe. Alors que ce que nous voulons, c’est que les jeunes prennent du plaisir dans l’expression de leur mouvement.»
Peu importe comment le gamin amène le ballon vers le but, pourvu qu’il y arrive.
Comment réagissent les entraîneurs
face à ces nouvelles théories?
«Certains ont toujours fait juste naturellement. Les autres sont plus prêts aujourd’hui à les entendre qu’il y a quelques années. Mais les entraîneurs sont souvent limités par des générations de croyances et d’habitudes.»
Si les coaches de haut niveau sont désormais ouverts à cette démarche, celle-ci peine encore à s’installer chez les entraîneurs jeunesse.
«La formation de base est ancrée sur le savoir de celui qui apprend aux jeunes. Alors que nous voudrions que la formation soit basée sur l’observation. L’idée fait gentiment son chemin.»
Et Bertrand Théraulaz de lancer, un brin provocateur:
«Pour nous, les bons joueurs sont devenus bons malgré leur entraîneur. Les athlètes qui réussissent sont ceux qui ont survécu à la tempête, qui ne se sont pas laissé influencer par le détail du geste.»
Reste que, dans le sport collectif, un entraîneur doit bien s’attacher à l’équipe, et pas seulement à l’individu, non ?
« Oui, mais il n’a pas à individualiser tous les joueurs en même temps. Cela peut intervenir à différents moments de la saison. Si un entraîneur fait l’effort de connaître les forces de ses joueurs, il perdra nettement moins de temps pour la suite. C’est pareil dans une entreprise. Si un patron muselle ses employés et ne sait pas utiliser leur potentiel, il va engendrer de la frustration.»
De tout temps,
un bon entraîneur devait savoir manager un groupe ou un joueur.
Mais ce profilage toujours plus poussé requiert de nouvelles compétences.
«C’est pour cela que je suis persuadé que, dans le futur, dans le staff d’une équipe il y aura une place pour le personnalisateur. L’entraîneur principal doit avoir une compréhension générale des choses. Mais il doit aussi avoir l’humilité de faire appel à des spécialistes dans les domaines qu’il ne maîtrise pas totalement. Comme il l’a fait pour les préparateurs physiques ou mentaux.»
Albert Einstein déjà…
Développer son propre potentiel: des théories appliquées dans le sport et en entreprise – les parallèles sont d’ailleurs nombreux entre les deux – et que l’on retrouve également dans les ouvrages de développement personnel, tout à fait dans l’air du temps en ce XXIe siècle. Il y a soixante ans, un certain Albert Einstein disait déjà:
«Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide.»
Comme quoi le physicien hirsute aurait fait un bon entraîneur…
L’oeil radar, «une question de survie dans le hockey»
Benoît Pont a disputé treize saisons en LNA de hockey.
Aujourd’hui responsable de la formation des entraîneurs de hockey pour la partie romande, le Valaisan, 36 ans, a découvert cette approche individualisée dans le cadre de sa formation à Macolin.
«Les possibilités offertes sont infinies, pour les coaches comme pour les athlètes.»
Au moment de choisir un sujet de mémoire pour sa formation Swiss Olympic, il a choisi d’en développer un aspect: le concept de l’œil radar, développé en testant toute l’équipe du CP Berne la saison dernière.
«Le terme œil radar est une simplification.
En fait, chez tout le monde, un hémisphère du cerveau traite mieux et plus vite les informations que l’autre. Tout comme il y a des gens gauchers ou droitiers, nous avons tous un œil radar capable de mieux visualiser les mouvements.»
Pour Benoît Pont, connaître cette différence est spécialement important pour un joueur de hockey.
«Le hockey est le sport collectif le plus rapide du monde. Un joueur doit maîtriser le puck, voir le jeu, ses coéquipiers et l’adversaire. Avec des mises en échec de plus en plus violentes, traiter rapidement toutes ces informations est aussi une question de survie.»
Vers quelles conclusions l’ont amené les tests réalisés à Berne:
«On s’est rendu compte que la grande majorité des commotions cérébrales, un mal qui est en train de tuer notre sport, arrivait du côté opposé à l’œil radar du joueur. C’est un sujet particulièrement sensible pour moi, puisqu’une troisième commotion cérébrale a mis fin à ma carrière. Et je me rends compte aujourd’hui que les chocs dont j’ai souffert sont toujours arrivés du côté droit, alors que mon œil radar est à gauche.»
«Il voit davantage les tribunes que le jeu»
Dans le jeu aussi, connaître son «meilleur côté» peut améliorer le rendement d’un joueur.
L’alignement sur la glace devrait dès lors dépendre de son œil radar plutôt que de sa typologie de droitier ou de gaucher.
«Thomas Deruns, par exemple, est gaucher. Ses entraîneurs ont toujours voulu le placer de ce côté sur la glace, alors que lui disait préférer jouer sur son backhand, à droite. Après le test, il a compris pourquoi: son œil radar est à gauche. Dès lors, si on persiste à l’aligner à gauche, il voit davantage les tribunes que le jeu! C’est aussi valable pour les gardiens, qui ont toujours un mauvais côté.»
Benoît Pont va présenter ses conclusions à la commission médicale de la Ligue suisse de hockey.
«Le sujet des commotions cérébrales est très vaste. Mais je pense qu’en testant tous les joueurs ils seront mieux à même de se protéger en sachant quel est leur côté faible.»
Pour le Valaisan, tout comme pour Bertrand Théraulaz, de manière générale un entraîneur doit éviter le be like me (n.d.l.r.: traduction «soyez comme moi») et davantage s’intéresser aux joueurs.
A ses spécificités physiques et mentales.
Car ce qui a marché pour lui ne fonctionne pas forcément chez les autres.
Même si cela requiert des connaissances toujours plus pointues.
«Aujourd’hui, un match se gagne tellement à d’infimes détails que le sport de haut niveau ne peut pas passer à côté de ça. Les méthodes d’entraînement ont totalement évolué. L’approche Action/Types, c’est comme les lunettes 3D au cinéma. Elle permet de traiter une somme d’informations qui offre une dimension supplémentaire au jeu.»
Et Benoît Pont de conclure sur le rôle de l’entraîneur:
«Il est primordial de savoir à qui on parle et ce qui les touche. Parce que, au fond, quand on s’adresse à des joueurs, on est toujours en train de vendre un projet ou une idée.»