La franc-maçonnerie dans le golf

L’ESSOR DU GOLF

Les origines du golf sont certainement multiples. Selon plusieurs auteurs elles se perdent dans la nuit des temps.

Les clubs de golf étaient la prolongation des loges maçonniques.

Les francs-maçons sont même à l’origine du club-house installé à proximité immédiate des parcours de golfs.

Là ils pouvaient s’adonner à deux de leurs occupations favorites : se réunir au chaud à l’abri des regards et festoyer. L’entrée de non maçons dans ces clubs provoque un temps la dissolution de certains.

Les francs-maçons se révèlent des golfeurs passionnés, qui vont soutenir, organiser et développer le jeu de 1750 à 1850. Les premiers clubs de golf sont en effet des loges maçonniques qui vivent en étroite communion. Ainsi un joueur peut-il appartenir à plusieurs clubs.

Par exemple : Andrew Duncan, maître maçon, membre fondateur de l’Honorable Society et capitaine de Saint Andrews et de Blackheath.

DES AGAGES D’ANTHOLOGIE

Mais, à l’origine, les membres se réunissent surtout pour festoyer. Ils introduisent dans les «Clubs-Houses» le lustre et l’apparat qui leur sont chers. Les banquets procèdent alors d’un véritable cérémonial. On dîne en uniforme adéquat, veste rouge, Knickers noirs, chaussures vernies à boucle et bas blancs.

De nouveaux membres sont élus selon une procédure typiquement maçonnique : dans une boîte close, chacun des participants glisse à son gré une boule blanche ou noire. Il suffit d’une seule boule noire et anonyme pour que le postulant soit refusé (Blackboulé). Les élus sont ensuite soumis à une épreuve. Le capitaine a aussi le privilège d’élire chaque année 3 nouveaux membres par une «poignée de main».

TOURNOIS ET COMPETITIONS

La passion du jeu ne tarde cependant pas à prendre le pas sur l’amour de la bonne chère. Parieurs acharnés, les francs-maçons organisent tournois et compétitions. Il édictent des règles bien précises. Confiants dans l’esprit fair-play des joueurs, ils se contentent d’en fixer 13. Les premières sont définies lors de la création du club de Leith.

Le Silver Club de l’Honorable Company apparaît en 1744. A Black-heath, le Silver Club se joue pour la première fois en 1766 et la médaille d’or en 1797. Les tournois ouverts à tous débutent en 1860, avec la création du Belt. Le premier open sur 4 tours de 18 trous se dispute en 1892, pour un prix de 100 livres.

Quant au trophée du British Open Amateur, il s’agit d’une coupe en argent, ornée de scènes de golf, dernier souvenir des agapes maçonniques. Le golf est alors devenu un sport prêt à conquérir le monde.

Première pierre historique

En 1744, William Saint-Clair de Roslin, grand maître héréditaire des francs-maçons d’écosse, pose à Leith la première pierre de l’Honorable Company of Edinburgh Golfers, en présence du comité de la société des maçons.

Cette cérémonie fait date dans l’histoire du golf, car elle marque la naissance des clubs organisés.

L’ESSOR IMPERIAL

La franc-maçonnerie est une société secrète qui ne laisse rien filtrer de ses activités en dehors des loges… Rien, hormis le golf. Sa puissance est déjà considérable. Elle détient des postes-clés tant dans le monde politique que dans le monde économique et commercial. Grâce à son influence, le golf franchit ainsi les frontières et se propage à travers l’empire colonial britannique. Les premiers parcours sont inaugurés en 1830 aux Indes et en Australie par les émissaires, golfeurs et francs-maçons, des grandes maisons de commerces londoniennes.

Le golf fait son entrée sur le continent européen en 1856 avec la création du club de Pau, dans les Pyrénées. Il arrive en 1873 à Montréal, même si l’Amérique joue au golf depuis longtemps. En 1743, un an avant la fondation de l’Honourable Company, David Deas, originaire de Leith et premier grand maître maçon aux Etats-Unis, avait fait venir 96 clubs et 432 balles d’Ecosse pour le club de Charleston, en Caroline du Sud.

Les envois vers le nouveau monde ne cesseront de se multiplier, preuve que le golf s’y répand comme une traînée de poudre.

Le mot franc-maçonnerie[N 1] désigne un ensemble d’espaces de sociabilité sélectifs, dont le recrutement des membres est fait par cooptation[N 2] et pratique des rites initiatiques se référant à un secret maçonnique et à l’art de bâtir. Formée de phénomènes historiques et sociaux très divers, elle semble apparaître en 1598 en Écosse (Statuts Schaw), puis en Angleterre au xviie siècle. Elle se décrit, suivant les époques, les pays et les formes, comme une « association essentiellement philosophique et philanthropique », comme un « système de morale illustré par des symboles » ou comme un « ordre initiatique ». Organisée en obédiences depuis 1717 à Londres, la franc-maçonnerie dite « spéculative » — c’est-à-dire philosophique — fait référence aux Anciens devoirs de la « maçonnerie » dite « opérative »anglaise formée par les corporations de bâtisseurs. Elle puise ses sources dans un ensemble de textes fondateurs rédigés entre les xive et xviiie siècles.

En 1856 le golf fera son entrée sur le continent européen avec la création d’un club et d’un parcours à Pau où un corps d’armée britannique était resté cantonné après la guerre d’indépendance espagnole (1808-1815).

La Franc ùmaconnerie et le Golf

Même si la franc‑maçonnerie française ne l’a pas utilisée comme « livre sacré »avant la seconde moitié du xxe siècle, certaines obédiences françaises se disent héritières des « Constitutions de 1723 ».

Depuis longtemps les francs-maçons n’avaient plus la main mise sur les associations de golfeurs. Par contre nous savons à coup sûr que les francs-maçons écossais y ont laissé leur trace, comme ils l’ont laissée dans le tir à l’arc. Le golf prend son essor dans les îles britanniques au XVIII° siècle, la franc-maçonnerie moderne aussi.
Pour cette dernière l’acte fondateur est l’adoption des Constitutions d’Anderson en 1723. Elles ont été rédigées par deux hommes d’église, James Anderson pasteur de l’église presbytérienne écossaise et Théophile Desaguliers, pasteur anglican, ami de Newton, né à La Rochelle.

 

En tant qu’activité sportive d’adresse, ludique, conviviale et festive, le golf va attirer les francs-maçons britanniques, essentiellement issus de la noblesse et de la haute bourgeoisie, dans la mesure où ils peuvent s’y adonner entre eux.

FRANC-MACONNERIE ET SPORT

SOURCE HISTORIQUE

La franc-maçonnerie remonte au Moyen-Âge au minimum. Tailleurs de pierre, ils étaient de formidables et exceptionnels bâtisseurs de cathédrales, d’abbayes, de palais et de châteaux  à travers toute l’Europe; ils étaient tous unis dans le secret afin de préserver un savoir-faire sans équivalent qui aurait pu être délivré à des personnes incompétentes.

L’admission était soumise à une série d’épreuves et de tests complexes, complétée par des serments de fidélité engageant chaque membre entrant dans la corporation à respecter strictement les règles :

Les principales caractéristiques destinées aux non-initiés imposaient le secret total (voila pourquoi on retrouve peu de traces ou de rapports écrits. car la règle du secret imposait aux francs-maçons de se méfier des rapports écrits…si une loge fermait par exemple, ses archives étaient toutes détruites)l’interdiction d’admettre des femmesla loyauté et la solidarité envers les autres franc-maçons mais aussi et plus légèrement être amateur de bonne chair, de bons vins, être un bon compagnon convivial.

Enfin, posséder un sens aigu de la cérémonie du rituel dans l’observance des coutumes et des règles.

La corporation des maçons était très importante en Écosse au XVII ème et XVIII ème siècle. Mais ces maçons talentueux devenant moins nombreux, les francs-maçons autorisèrent rapidement des personnes étrangères à leur corps de métier à rejoindre la franc-maçonnerie qui deviendra « spéculative »

Une approche historique

Originaire des îles britanniques où elle se structure au cours du XVIIe siècle, la Franc-maçonnerie est une société initiatique, une école de perfection morale individuelle et collective, de contrôle des affects et de maîtrise de soi, dont les membres étudient la portée philosophique et symbolique des rituels qu’ils pratiquent et qui marquent leur progression dans « la quête de la lumière ».
Au XVIIIe siècle, son succès est foudroyant. Elle occupe largement l’espace social et mondain avec, en France, 40 à 50 000 membres et plus de 900 loges maçonniques (la loge est la cellule élémentaire du tissu maçonnique qui se fédère en obédiences, qu’on nomme Grande Loge ou Grand Orientà la veille de la Révolution pour 28,5 millions d’habitants – à titre de comparaison la France de 2009 compte environ 120 000 francs-maçons pour 64 millions d’habitants.
Aucune forme de sociabilité volontaire ne peut alors soutenir la comparaison, d’autant que si la Francmaçonnerie n’est pas contrariée dans son développement, elle ne bénéficie pas d’une reconnaissance légale.
A l’échelle de l’Europe et des colonies
– on trouve alors des loges jusqu’en Guyane hollandaise ou à Canton-, la Franc-maçonnerie réunit trois à quatre mille loges et sans doute trois cent mille membres au XVIIIe siècle. Les francs-maçons ne pratiquent pas seulement les mystères de l’Art Royal, terme qui désigne alors la Franc-maçonnerie. Ils se réunissent pour des parties de chasse, des bals, la pratique amateur de la musique et du théâtre. Leur ordre est au cœur de la vie de société. Il n’est donc pas étonnant que les frères se soient intéressés aux jeux d’adresse,d’autant que ces derniers cherchent en milieu urbain, confrontés à la concurrence d’autres formes de sociabilité, à rester attractifs.
Le tir à l’arc est particulièrement concerné.
Pratiqué par des «nobles jeux», il s’est progressivement émancipé du monde des confréries Saint-Sébastien pour le tir à l’arc, car saint Sébastien est mort percé de flèches. On trouve aussi sainte Barbe pour les chevaliers de l’arquebuse et saint
Georges pour leurs confrères de l’arbalète et des milices urbaines au fur et à mesure que l’arc perdait sa capacité militaire. Les archives permettent de mettre en évidence plusieurs types de rencontre entre loges maçonniques et nobles jeux de l’arc.
En 1784, à Clermont-Ferrand, la plus importante des trois loges de la ville, Saint-Maurice, s’unit aux chevaliers du jeu de l’arc, en «ne formant plus qu’un même corps».
La bonne société qui se rencontre sur les colonnes du temple de Saint-Maurice, fréquente assidûment le jardin de l’arc, où se pratique le tir, adhère en corps au noble jeu, et surtout éprouve le besoin d’officialiser son union avec lui par la rédaction de statuts et règlements communs.
Deux ans plus tard, à Dunkerque, terre d’élection du tir à l’arc, le Grand Orient de France, qui fédère alors l’essentiel des loges maçonniques, reçoit une lettre de la confrérie des chevaliers de l’arbalète sous le nom de Saint Georges de cette ville de Dunkerque, (qui) désire de voir légitimer par le Grand Orient des travaux maçonniques qui se font dans son local par la plupart d’entre eux qui en partie sont déjà maçons réguliers ; ils ont besoin à cet effet de patentes qu’ils vous prient de bien vouloir leur procurer et au moyen desquelles ils exigeront chez eux, une loge régulière sous le nom de Saint-Georges. Le jeu de l’arbalète décide de se constituer en en loge maçonnique pour poursuivre sa double pratique : art royal et tir.
La même année 1786, le noble jeu de l’arc de Paris est réformé par le duc de MontmorencyLuxembourg, qui n’est autre que l’Administrateur général du Grand Orient de France.
Les listes de membres éclairent le phénomène de double appartenance puisque plus de 60% des chevaliers de l’arc ont été reçus francs-maçons, et 50% appartiennent à la même loge, Saint- Julien de la Tranquillité. Ce fructueux commerce de société ne s’explique pas seulement par le goût des francs-maçons pour les jeux d’adresse. Loges et nobles partagent alors des valeurs communes : une conception chrétienne et chevaleresque de leurs ordres respectifs– la laïcisation militante et la radicalisation de la Francmaçonnerie date du XIXe siècle-, une lecture symbolique et ésotérique de leurs outils. Le chevalier de l’arc est un initié qui rejoue dans le jardin de l’arc le martyre de saint Sébastien mort percé de flèches. Significativement,ces pratiques n’ont pas disparu avec la transformation du jeu d’adresse en sport. Une enquête ethnologique menée dans les années 1990 par Lionel Locqueneaux dans les clubs de tir de l’Ile -de-France montre que certains d’entre eux continuent parallèlement à la pratique sportive du tir à l’arc, commune à tous les clubs de la Fédération française de tir à l’arc, à maintenir vivace une chevalerie de l’arc, dont les membres sont adoubés par leurs pairs dans la discrétion d’une cérémonie initiatique. La double appartenance entre une Franc maçonnerie attachée aux pratiques symboliques et chevalerie de l’arc traditionnelle demeure fréquente, mais la discrétion des chevaliers de l’arc sur leurs rituels d’initiation est bien plus forte que celle des frères.
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En Grande-Bretagne, où naît la Franc-maçonnerie, le golf est une autre activité ludique puis sportive adoptée par les francs-maçons. Comme pour le tir à l’arc et ses variantes, il s’agit à la fois d’un jeu d’adresse et d’un foyer de sociabilité festive.
Mais vers le milieu du XVIIIe siècle, le golf est en crise en raison du désintérêt de la dynastie régnante des Hanovre.
Comme il n’est plus à la mode, il voit se détourner les élites, et souffre de surcroît d’un déficit d’encadrement réglementaire et organisationnel : les règles ne sont pas fixées et le golf ne se pratique pas au sein de sociétés bien établies.
C’est alors que les francsmaçons s’intéressent à lui. Ils cherchent en effet à se divertir entre eux, en golfant, et à prolonger au club les tenues de banquet entamées en loge. Comme dans le cas du tir, la maîtrise du corps revêt pour eux une importance particulière puisque l’Art Royal est d’abord un apprentissage du corps il faut à l’initié polir la pierre brute qui est au cœur de la cérémonie d’initiation, en apprenant à maîtriser les outils symboliques : (équerre, compas, niveau), du contrôle de soi. Cette dimension corporelle trop souvent sous-estimée au profit de la dimension philosophique de l’engagement maçonnique est pourtant essentielle, et permet de comprendre l’intérêt des frères pour les jeux d’adresse au-delà de la simple pratique récréative.
William_Saint_Clair_of_RoslinLe premier club authentique est celui de l’Honorable Company of Edinburgh Golfers,fondé en 1744.
La première pierre en est « posée par William St. Clair of Roslin, en présence du comité de la Société des Maçons au grand complet. Le récit de la cérémonie nomme tous les membres du comité et donne leurs statuts dans la Franc-maçonnerie » rappelle David Stirk dans Golf, histoire d’une passion. Or, William St. Clair of Roslin est le premier Grand Maître de la Grande Loge d’Ecosse (1736).
La fondation prend alors un relief tout particulier. D’autres clubs prestigieux sont également d’origine maçonnique comme la Royal Burgess Golfing Society of Edinburgh, le St. Andrews Club (St. Andrews demeure aujourd’hui l’un des centres du golf britannique). Le développement géographique des clubs de golf emprunte le réseau des loges maçonniques, et les golfeurs francs-maçons savent l’activer pour obtenir le
matériel nécessaire.
LogogldfnbAinsi, en 1743, David Deas, Grand Maître de la Grande Loge de Caroline du Sud décide de créer un club de golf à Charleston. Il commande clubs et balles à Leith en Ecosse, où d’autres francs-maçons fondent alors la première société de golfeurs. On note avec cet exemple l’existence d’une authentique communauté maçonnique atlantique traversée d’importants courants d’échange, propices aux médiations culturelles, où la rive américaine reçoit et s’approprie les pratiques venues d’Europe sans délai. Si la pratique n’est pas attestée en France, des négociants francs-maçons français pratiquent alors le golf dans les comptoirs commerciaux de l’Afrique de l’Ouest aux côtés de leurs associés britanniques.
Dans les clubs de golf, les réceptions des nouveaux membres se font sur le modèle maçonnique avec parrainage, acceptation soumise au vote par boules, blanches pour un vote favorable, noires pour un refus –c’est l’origine du mot « blackboulé ».
Les candidats doivent affronter des épreuves initiatiques –les archives mentionnent qu’ils ont « bravement passé l’épreuve-, et le club résonne fréquemment de toasts ou batteries comme par exemple le trois fois trois » typiquement maçonnique. Comme les golfeurs doivent se présenter en uniforme au club, les membres de la Royal Burgess Golfing Society décident significativement d’acheter des tabliers maçonniques et de les arborer à ces occasions. 
Aujourd’hui, l’Amicale fraternelle internationale du Golf maintient cette tradition. Le cas des nobles jeux de l’arc et des clubs de golf met ainsi en lumière la fonction organisatrice de la Franc-maçonnerie. Si elle ne saurait être présentée comme un prototype de la sociabilité démocratique, contrairement à ce qu’affirmait Ran Halevi dans la lignée de François Furet, nul doute qu’elle constitue un modèle éprouvé de tissage et d’approfondissement du lien social, qu’elle a pu proposer intégralement ou partiellement à d’autres structures qui se le sont appropriées à des degrés variables. Les chevaliers de l’arc ont reconnu à divers titres l’inspiration maçonnique de leur organisation ou réorganisation.
Dans ses travaux pionniers, Maurice Agulhon a montré que les confréries de pénitents ont pu imiter les loges et leurs réseaux de correspondance pour communiquer avec des confréries établies en d’autres lieux. Jean-Luc Marais indique pour sa part, tout en restant fort prudent pour le XVIIIe siècle, que les loges ont pu servir de modèle aux « sociétés d’hommes » angevines dont certaines ont pris pour nom d’authentiques titres distinctifs de loges maçonniques qui jouent à la boule de fort.
Au XIXe siècle en tout cas, il n’y a plus de doute puisqu’une loge s’adjoint effectivement une de ces sociétés pour que ses membres puissent s’y divertirDes sociétés apparemment sans rapport aucun, quand on s’en tient à l’observation superficielle de leur objet déclaré, ont en réalité en commun d’être des sociétés d’élus,d’ «amis choisis». Elles se comprennent de ce fait aisément et peuvent entretenir un authentique et fructueux commerce de société, voire vivre en véritable symbiose.
La loge maçonnique ne saurait être réduite à une porte de sortie pour adhérents de foyers de sociabilité éteints ou exsangues. Elle est sollicitation, aiguillon à se remettre en cause, elle offre des possibilités d’ouverture et de posture nouvelles. La sociabilité est un marché, où la concurrence stimule, élimine, crée, renverse ou conforte des positions acquises, suscite fusions, rapprochements, luttes ouvertes. En réalité, la pratique maçonnique relève au XVIIIe siècle et au siècle suivant
 – sauf  lorsqu’elle prend alors un tour politique libéral d’abord puis radical
– du champ des pratiques de sociabilité « amateur » au sens fort qu’a le terme au siècle des Lumières. L’amateur est un homme de goût, cultivé, qui apprécie les délices de l’
otium. A ce titre, les jeux sportifs participent de cette maîtrise et du perfectionnement de soi ; ils entrent en résonnance harmonieuse avec elle. On n’est donc pas étonné que les francs-maçons britanniques, au Royaume-Uni comme dans l’Empire se retrouvent collectivement dans des clubs huppés pour pratiquer le polo, le cricket, et le rugby, sports pratiqués dans les public schools. Pratiques sportives et appartenances à des foyers de sociabilité huppée distinguent socialement une élite qui se reconnaît comme
leisure class et articule fraternité maçonnique et cohésion d’un groupe d’amis choisis, de pairs qui se reconnaissent comme les héritiers de ce que les Grecs nommaient
Kaloi Kagathoi, les beaux et les bons, et les hommes de l’Ancien Régime, la major et sanior pars, la partie la plus grande et la plus saine de la société. C’est dans cet esprit encore que John Webb propose pour l’édition 1995 de la Prestonian Lecture, organisée par la prestigieuse et vénérable loge maçonnique de recherches londonienne Quatuor Coronati Lodge n° 2096 d’entretenir ses frères de « Freemasonry and sport ». Suit un survol des trois siècles d’existence de la Franc-maçonnerie britannique égrenant les noms des sportifs francs-maçons de premier plan qui ont porté haut les traditions de l’Empire britannique et la fierté de l’ordre maçonnique. Un accent tout particulier est mis sur la part prise par les élites maçonniques dans l’organisation à Londres des Jeux Olympiques de 1908 – le phénomène est bien sûr sociologique à une époque où tout homme bien né appartient au moins à un club et à une loge, à commencer par le roi Edouard VII lui-même, ancien Grand Maître de la Grande
Loge Unie d’Angleterre.
William_Henry_Grenfell_1921Wiliam Henry Greenfell, baron Desborough, Grand Surveillant de la Grande Loge Unie, présida quant à lui à l’organisation des Jeux Olympiques et devait donner  son nom à une loge : the Greenfell Lodge N°3077. Sportif accompli, il s’était illustré à la nage dans les chutes du Niagara et dans la Manche, et en aviron, sur la Tamise sous les couleurs de l’Université d’Oxford face à Cambridge. On pourrait multiplier les exemples de figures de l’Establishment britannique, issus des meilleures publics schools, familiers des sports qui depuis le XIXe siècle sont partie intégrante de l’identité de la gentry et de l’aristocratie, qui se trouvent pour les mêmes raisons avoir investi clubs et loges maçonniques, où il faut le rappeler on est coopté avant d’être soumis à l’initiation. C’est pour les mêmes raisons à la fois sociologiques et mondaines, et non par stratégie d’influence ou de mainmise que les comités d’organisation des Jeux du Commonwealth comme le Comité International Olympique ont régulièrement compté des francs-maçons dans leurs rangs.
A l’inverse, dans les loges continentales des États marqués par une forte lutte contre le cléricalisme, le rapport au sport est différent.
La Franc-maçonnerie n’est plus le théâtre feutré de l’entre-soi et de l’excellence sociale, mais l’aile marchante de la transformation sociale. Au nom de l’engagement philanthropique et du combat pour le progrès social, les loges françaises, italiennes, belges et espagnoles notamment multiplient les sociétés de secours et d’instructions mutuels, les centres de médecine gratuite et les sociétés crématistes.Significativement, le champ sportif ne leur a pas totalement échappé, notamment parce qu’elles n’entendent pas l’abandonner aux cléricaux. Après tout, un franc-maçon a un rapport fort au corps qui, lors de la réception dans l’ordre, est dénudé, entravé, menacé dans son intégrité physique, pour renaître à la lumière et participer au travail de maîtrise de soi et de ses affects, que le nouvel initié doit entreprendre en polissant la « pierre brute ».
Les loges poussent alors leurs membres à participer activement au développement des sociétés de gymnastique. Dans la mouvance de la Franc-maçonnerie laïque et anticléricale qui est majoritaire en France à partir de la IIIe République, mais aussi en Belgique, en Italie et dans l’Espagne républicaine, les camps et les rassemblements de jeunesse ont été encouragés.
Une colonie comme « Clarté» dans le département de l’Allier en porte encore témoignage dans les années 1980, avec un fort contingent d’enfants de francsmaçons originaires d’Afrique.
Dans un esprit interobédientiel –c’est-à-dire, par-delà les appartenances maçonniques des uns et des autres-, des rencontres sportives sont organisées comme favorisant la rencontre entre les peuples, la fraternité universelle. Par ailleurs, actifs dans le champ associatif, politique et syndical, les francs-maçons du Grand Orient de France, et parmi eux les anciens des chantiers de jeunesse réfractaires au Service du Travail Obligatoires et des maquis ont largement contribué durant les Trente Glorieuses au développement de l’éducation physique scolaire comme de l’accès au loisir
Pierre-Yves Beaurepaire Professeur d’histoire moderne à l’Université de Nice Sophia-Antipolis Membre de l’Institut Universitaire de France Directeur du Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (EA1193)-MSHde Nice
Sources : Pierre-Yves Beaurepaire,
Nobles jeux de l’arc et loges maçonniques dans la France des Lumières.
Enquête sur une sociabilité en mutation, Montmorency, Ivoire-clair, « les architectes de la connaissance », 2002, 245 p.David Stirk, Golf, histoire d’une passion, trad. fr., Paris, Gallimard, 1974,
John Webb, Freemasonry and sport , Prestonian Lecture 1995,
Quatuor Coronati Lodgen° 2096, Addlestone, Lewis Masonic Books, 1995, 32 p