Un entraîneur toujours créatif c’est quoi ?

 « LES CLES DE LA PERFORMANCE »

Le pro de golf, un biomécanicien et un préparateur mental, ont comme objectif, mettre en phase la mécanique du swing de golf avec celle du corps et celle de l’esprit.

Le golf est le sport individuel par excellence. Le joueur est seul face à son destin, responsable de ses actes et au golf chaque coup compte. Pas de deuxième chance, chaque erreur se paie cash. D’où l’importance de tout maîtriser, toujours, tout le temps. C’est dans ce but que la majorité des joueurs rassemblent autour d’eux une équipe plus ou moins élargie de spécialistes.

P = c x M x o

P renvoie à la performance, C à la compétence, M à la motivation et O à la détermination des objectifs. La performance est le résultat d’une juste combinaison de compétences, de détermination des objectifs et surtout de la motivation. Ensemble de composantes subjectives (idées, affects…) qui conduisent un individu à accomplir une tâche avec énergie et plaisir, la motivation constitue la clé et le coeur de la performance. L

« Tout le monde qui fait un métier qu’il aime faire va d’abord exprimer le mot ‘passion’. Mais ça signifie quoi, le ‘passion’? La passion, c’est quand même aussi de la patience. C’est aussi de la rigueur. C’est aussi une forme d’auto-discipline. C’est valable pour toute personne qui veut approfondir ou essayer d’approfondir quelque chose dans sa vie. Vous êtes prêt à souffrir, parfois, pour cette passion, elle vous fait sourire, elle vous fait partager. »

Claude Onesta, entraîneur de l’équipe de France masculine de handball, nous parle des similitudes entre l’attitude sportive et le monde de l’entreprenariat.

La recherche de la performance est l’objectif numéro un de toute entreprise. Toutefois, en tant que manager, il n’est pas toujours évident de mobiliser le groupe dans cette évolution. Champion olympique, champion d’Europe et champion du monde, Claude Onesta a tout gagné

Claude Onesta, entraîneur de l’équipe de France masculine de handball, nous parle des similitudes entre l’attitude sportive et le monde de l’entreprenariat.

La recherche de la performance est l’objectif numéro un de toute entreprise. Toutefois, en tant que manager, il n’est pas toujours évident de mobiliser le groupe dans cette évolution. Champion olympique, champion d’Europe et champion du monde, Claude Onesta a tout gagné

Entraîneur / entraînés : c’est du sport !

Les relations entraîneurs / entraînés ne ressemblent pas toujours à un long fleuve tranquille ou à une carte postale.

Il y a du sport !

Justement, en parlant de sport de compétition : et si dans les relations entraîneurs / entraînés les conflits et leurs crises étaient envisagés de manière constructive ?

Préparateur physique de Federer depuis dix-sept ans, Pierre Paganini raconte comment et pourquoi le champion est revenu au sommet.

UNE IDÉE DE LA NOTION DE CONFLIT

Notre histoire est rythmée par les conflits : conflits de personnes ou conflits d’idées, conflits entre notre vie personnelle et professionnelle… La définition usuelle parle d’un rapport de force. On essaie de le prévenir, de le résoudre et de l’arbitrer. Cette résolution intentionnelle des conflits ne fait pas toujours l’unanimité et ils débouchent sur des crises qui vont parfois jusqu’à la guerre,
la vraie guerre et non celle que se livrent deux équipes pour s’entrainer sur la meilleure piste. Ces rapports de force ont leurs spécialistes et leurs médiateurs et génèrent tous les comportements humains. Les conflits et leurs crises sont souvent assimilés à des valeurs négatives. Et c’est logique. Il est plus simple de vivre en harmonie. Est-ce une utopie ?
Le sport de compétition est une activité humaine et la notion de rapport de force est son quotidien : le champion gagne des courses. Elles restent un jeu. Il serait constructif d’éviter l’affaire d’état ou la vendetta pour le moindre éclat de voix ou pour une simple divergence d’opinions. Et comme chez nous, chaque village est un état, on a vite fait de se tromper de pistes et de combats.

Trois idées directrices qui peuvent aider à débloquer une situation conflictuelle :

1. “Tout conflit prolongé est une perte de temps“ ;

2. “Pas besoin d’avoir une victime pour décrocher une victoire” ;

3. “Un conflit sans solution est un problème mal posé”…

QUATRE CONFLITS CLASSIQUES DANS NOTRE SPORT ET LEURS SOLUTIONS 

Il y a quatre petites phrases lourdes de sous-entendus qui sont récurrentes et que l’on doit entendre pour résoudre ou atténuer un conflit coach / golfeur.

Nous savons que “l’atténuation d’un conflit n’est pas sa résolution et que sa résolution implique la recherche d’une solution”.

1. “On ne sait pas où on va”

Dans le sport de haut niveau, le but à atteindre doit être clairement identifié. L’organisation approximative crée de l’incertitude chez les athlètes et de la fatigue nerveuse.
Il est utile par exemple de communiquer sur la durée d’un stage et ses objectifs ou de connaître le nombre de manches à réaliser lors d’une séance d’entrainement.
Les erreurs
Le chef de groupe n’a pas l’appui de son équipe. Sa compétence est remise en cause. Il est isolé. Les choses se compliquent lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Les pistes
Le groupe sait qui a le dernier mot. Le décideur, animé par le souci du collectif, va chercher les meilleures solutions pour chaque coureur. Les athlètes et le staff assument leurs propres responsabilités. Les objectifs sont définis comme le rôle
de chacun.

2. “On ne s’entend pas”

Les rapports de force entraîneurs / entraînés trouvent leur source dans le quotidien. Chaque sujet est propice à la discussion conflictuelle :

“Pourquoi on fait géant sur le plat et non pas slalom dans la pente” ?

Il existe aussi des casse-pieds et des grincheux. Nous connaissons aussi les profils de personnes qui se fatiguent dans le conflit permanent et d’autres qui s’échappent dès la première crise. C’est compliqué à gérer pour un chef de groupe.
L’erreur
Le projet appartient à un seul individu, le head-coach ou un des athlètes leaders.
Les pistes
Pour le sport de haut niveau, les valeurs de “rigueur-travail” et de “créativité-jouer à gagner” doivent être partagées par tous. Ensuite, le staff construit un projet avec ses lignes directrices et le partage avec les athlètes. Ce projet ne doit pas être figé,
il s’adapte au quotidien et aux rigueurs d’un parcours de golf.

3. “On ne comprend pas la sélection”

Les conflits entraîneurs / entraînés sont souvent liés aux sélections et aux choix des compétitions. Le dernier exemple en date : “Pourquoi je ne fais pas une Coupe du monde alors que j’ai terminé dans les 10 premiers de la dernière Coupe
d’Europe” ? Cette problématique de sélection se retrouve dans tous les sports. La presse est à l’affût de ces faits, elle nous relate régulièrement les problèmes de temps de jeu de footballeurs.
Les erreurs
Il n’existe pas de lignes directrices et de qualification clairement identifiées. Nous compliquons les choses lorsque les critères de sélection et les circuits de compétitions se révolutionnent chaque printemps ou après chaque parcours.
Les pistes
Les critères de sélections sont écrits et connus par tous. Les adaptations, si elles sont nécessaires, de ces règles sont présentées à l’avance aux acteurs de la performance.
Dans certaines équipes et sports, les règles de qualification sont complétées par des règles de vie en groupe.

4. “On ne me respecte pas”

Cette phrase peut être prononcée par l’entraîneur ou l’athlète. Les crises dans la relation entraîneur / entraîné touchent alors les relations entre les personnes. Elles sont moins liées au projet sportif. Les gens ne communiquent pas et on entend
continuellement des reproches. Le climat est lourd.
Les erreurs
Les protagonistes ne se parlent guère et chacun imagine l’autre pensant des choses négatives à son sujet. On est parfois au bout d’une histoire. Il devient nécessaire de changer de coach ou de permettre l’entraînement de l’athlète concerné dans un autre groupe.
Les pistes
On entend souvent que pour gérer un conflit le meilleur remède est la patience. Personnellement, je pense que c’est une erreur d’attendre et plus particulièrement sur ce sujet. Il s’agira de rétablir le dialogue au plus vite…

POUR CONCLURE

Ces quatre exemples de conflits présentent des solutions et contournent les recettes traditionnelles que sont la contrainte, la soumission et la fuite (rien de bien réjouissant).

Il existe aussi des logiciels de gestion de conflits (rien de bien fonctionnel). À notre avis, il existe surtout une bonne attitude pour échapper à la récurrence des crises : le décideur est identifié, le projet est partagé et évolutif, et les acteurs se respectent

Entraîneur Pierre Paganini

Au brouhaha médiatique qui entoure l’icône, Pierre Paganini préfère les silences moites des séances privées. Ce n’est pas le prix à payer pour être le préparateur physique de Roger Federer depuis dix-sept ans, c’est juste sa nature. Au moment où le meilleur joueur de tous les temps s’accorde une pause après un phénoménal retour au sommet cette année, il raconte. Comment et pourquoi tout cela est-il possible pour le champion suisse de 35 ans? Il parle autant du passé, la sombre année 2016, que du présent et de l’avenir.

« Quand vous travaillez avec un jeune, vous n’avez pas d’excuse. Vous êtes sensé connaître les bases de votre métier. Donc vous vous dites: ‘Si je lui propose ceci, c’est par rapport à ça demain, par rapport à ceci dans une année, et ça aura telle et telle importance dans dix ans.’ ».

Ainsi que de Stan Wawrinka, l’autre «monstre» qu’il entraîne.

Franchement, Pierre Paganini, pensiez-vous Roger Federer capable de remporter l’Open d’Australie pour son retour à la compétition après six mois d’arrêt?

Non. Je pensais qu’il pouvait très bien jouer et j’étais convaincu, comme le reste du team autour de lui, que c’était une bonne chose de reprendre la compétition pour le début de la saison. Cela voulait dire au fond qu’il faisait comme les autres joueurs. Sauf que les autres avaient arrêté pendant un mois et lui, six mois. Mais il est tellement fort pour trouver des solutions que quand il faut reprendre ses repères, il le fait plus vite que tout le monde.

Parlez-nous de cette décision radicale qui a été prise par Federer l’année passée, ce break de six mois…

Nous formons une équipe, nous avons la chance d’être avec lui depuis longtemps. Même Ivan Ljubicic le connaît d’avant. Alors nous avons échangé des avis avec Rodge pour qu’il puisse prendre sa décision. En fait nous sommes tous intéressés par la même chose. Chacun amène, dans la discussion, ce qu’il pense être bon pour Rodge.

Quel était votre avis?

Ce n’est pas important. En fait, chacun donne son avis en fonction de son champ d’action. Le physiothérapeute pensera en fonction de sa spécialité, l’entraîneur de tennis parlera en fonction de jeu, du retour au jeu. Et moi, je vais plus m’exprimer en fonction de la durée nécessaire afin que l’athlète redevienne l’athlète qu’il doit être pour retourner sur les courts. C’est pour cela qu’il faut discuter en groupe avant de prendre une telle décision.

Quand Federer a tranché en faveur d’une grosse pause, cela vous a-t-il surpris?

Non. Quand on fait quelque chose, il faut le faire à fond. Y compris dans ce cas. Quand il a décidé au final de ces six mois de break, nous étions en réalité tous contents d’avoir du temps devant nous. Parce qu’on en avait besoin. Parce qu’il fallait mettre toutes les chances de notre côté pour Roger. Si un champion comme Roger Federer décide d’une telle pause, alors il fallait prendre ce temps qu’il nous donnait pour lui proposer les meilleures conditions, tous domaines confondus. Afin qu’il revienne au top après. Tout cela était logique.

A ce moment-là, comment vous êtes-vous organisé, avec le staff autour de lui, pour mettre sur pied le programme de son retour sur les courts?

On a proposé une périodisation plus longue, d’abord proche d’une rééducation. Avec son physiothérapeute, des exercices. Après il est passé progressivement chez moi, pour le côté athlétique. Et dans un tel contexte, il fallait compter sur plus de sessions que d’habitude. Parce qu’on avait le temps. Mais surtout pour que Rodge retrouve la forme qui était la sienne avant ses problèmes. Et en veillant à ce qu’il ne se blesse pas. Parce qu’il était là justement à cause d’une blessure. Donc il y avait deux trains qui partaient: celui qui devait prévenir les blessures et celui qui voulait le ramener au top niveau.

Avez-vous eu peur qu’il se blesse durant la préparation, justement?

S’il n’y a pas une petite crainte, s’il n’y a pas cette espèce de tension, cette adrénaline, ce n’est pas bon. Il y a toujours une part de risque, d’ailleurs c’est le joueur lui-même qui l’assume. Mais nous sommes là parce que nous avons des convictions. C’est pour cela que j’ai particulièrement apprécié que l’équipe se soit resserrée encore plus durant ces mois-là. Nous nous sommes beaucoup vus, plus qu’à l’habitude, avec Rodge, à deux, à trois ou plus. Avec le recul, c’est facile de dire que c’était la bonne méthode puisqu’il a fait le retour que l’on sait. Mais c’était important. Et passionnant.

Mais comment a-t-il pu s’astreindre à tant d’exercices pour revenir au sommet, lui qui avait déjà tout gagné?

La passion. C’est un mot tout simple, que beaucoup utilisent. Sauf que lui fait ce qui va en rapport avec. La passion, c’est une philosophie de vie, tous les jours, qui lui permet de vivre le tennis tout en respirant la vie. Il a trouvé une harmonie entre les deux. C’est la même personne qui vit, c’est la même personne qui joue, c’est la même personne qui s’entraîne. Donc il n’a jamais besoin de s’adapter. Chez lui, c’est naturel.

N’y a-t-il jamais eu un jour durant ces dix-sept ans, ou alors ces derniers mois, où il est venu à l’entraînement en traînant les pieds?

Pas un! Il y a eu des jours où il m’annonçait au début de la séance qu’il était un peu fatigué. Mais en fait, quand il dit ça, à la fin il a bossé encore plus que d’habitude, il a oublié la fatigue du début. A ce niveau-là, c’est exceptionnel. Stan Wawrinka est pareil sur ce plan.?

Ce sont deux champions hors norme dans leur implication professionnelle. J’ai de la chance.

On a souvent la tentation de croire que tout est facile sur un court pour Roger Federer. Il danse, il est aérien. Mais on ne voit jamais le Federer besogneux qui travaille avec vous…

Il est besogneux depuis le début, même si cela ne se voit pas. Mais après, vous avez parlé du fait qu’il danse sur un court. Alors imaginez quand vous allez voir un ballet: vous ne voyez pas l’effort physique. Mais il y a un incroyable entraînement derrière. Donc si Rodge arrive, avec son potentiel, à faire en sorte qu’on oublie l’effort, cela prouve à quel point il a transpiré avant. Parce qu’on sait très bien que le talent sans effort ne suffit pas. Et Rodge l’a compris avant d’avoir 20 ans.

D’où vous vient votre méthode de travail?

D’abord, j’ai eu la chance de côtoyer Jean-Pierre Egger à Macolin, à l’époque. C’est quelqu’un qui a toujours utilisé un langage de terrain pour parler de la théorie. Il a toujours cherché à trouver un lien étroit entre l’exercice physique et le sport pour lequel il fallait faire cet exercice. Au départ, je voulais être préparateur physique pour le football. Et puis un peu par hasard, je suis tombé dans le tennis et j’ai tout de suite adoré. Parce que j’ai pu penser à une préparation en rapport avec l’athlète, avec ses capacités, en regard de son sport et donc personnalisée. Et c’est là le début d’une méthode, que je développe sans cesse depuis trente-quatre ans.

C’est donc global et individualisé à la fois?

Je peux entraîner quelqu’un pour qu’il soit endurant, résistant ou qu’il saute haut. Mais cela ne veut pas dire qu’il utilisera ces qualités de la bonne manière pour le tennis, si je ne fais pas le lien entre la personne en face de moi et le sport spécifique, le tennis en l’occurrence.

Cela veut-il dire que vous n’appliquez pas forcément les mêmes schémas de travail à Federer qu’à Wawrinka?

La philosophie d’entraînement ne change pas vraiment, parce que les dénominateurs communs pour le tennis sont l’endurance et la réactivité. En tennis, il faut être réactif sur le «stop and go» pendant longtemps. Cela ne change pas, c’est la finalité pour n’importe quel joueur. Mais la façon d’y arriver diffère. La personnalité du joueur, ses points forts, ceux qui le sont moins, cela diffère. Les filières de jeu aussi ne sont pas les mêmes. La façon de s’entraîner n’est donc pas la même, il faut s’adapter aux caractéristiques du joueur à chaque fois.

Est-ce que Federer a des aptitudes exceptionnelles par rapport à d’autres joueurs, dans le cadre des exercices que vous lui imposez?

Oui, c’est quelqu’un qui a un potentiel énorme. Il a une coordination d’athlète qui est phénoménale. Cela ne veut pas dire qu’il a moins besoin de travailler. Au contraire, comme c’est un point fort, il doit le travailler plus encore pour faire la différence. Dans tous les domaines.

Roger Federer vous étonne-t-il encore, quand vous lui proposez un exercice de réactivité compliqué qu’il réussit rapidement?

Oui, il y a encore une forme de surprise. Mais j’ai l’habitude, depuis le temps. Alors quand il me surprend, je ne suis presque plus… surpris. Parce que je sais qu’il comprend et réalise tellement vite. Il gère tellement bien la complexité de certains exercices physiques qu’en fait, cela m’oblige à être constamment créatif. Il faut toujours augmenter l’exigence pour qu’il soit stimulé.

Vous fonctionnez par modules de travail, qui peuvent durer quelques jours ou quelques semaines. Pouvez-vous nous en parler?

Il y a des phases de préparation foncière, des périodes d’intensité, d’autre de maintien et c’est réparti sur l’année. Cela dépend du temps à disposition. Mais ce qui est capital, c’est de faire les choses au bon moment et pour les bonnes raisons.

Roger Federer a dit qu’il ne jouerait plus jusqu’à Roland-Garros: avez-vous planifié des modules d’entraînement avec lui?

Oui, des phases sont prévues. Il y a un bloc qui peut s’appeler reprise. Un autre sera axé sur l’intensification du travail athlétique. Après, il y aura un mélange entre le travail physique et les entraînements sur le court, progressivement, de plus en plus. Si cela se confirme qu’il ne rejouera pas avant Roland-Garros, le travail commencera bientôt et s’échelonnera jusqu’à Paris.

Comment expliquez-vous qu’à 35 ans, Federer semble aussi fort, voire plus fort ?

Plus fort, moins fort, j’ai toujours un peu de peine avec ça. Pour moi, Roger Federer, c’est Roger Federer, point. Il était tout aussi fort quand certaines personnes voulaient l’enterrer parce qu’il disputait des finales de Grand Chelem mais sans les gagner. Ce qu’on peut juste voir, dans sa carrière, passée et présente, c’est que Rodge arrive toujours à trouver des solutions, à gérer les situations, à dominer les problèmes. Il a su gérer sa longévité, il a su progresser encore dans sa créativité. Sa forme athlétique est toujours là et son état d’esprit est celui d’un joueur qui commencerait sa carrière. Il incarne sa propre réussite.

L’âge influence-t-il la manière dont vous travaillez avec lui?

Oui. Mais pas que l’âge. Il y a aussi tout ce qu’il a déjà fait. Les traces de 1350 matches. Certains disent qu’il a un jeu plus économique que les autres. Sans doute. Mais dans la réalité, il en fait bien plus que les autres dans le domaine de la créativité, sur un court. Et cela aussi coûte de l’énergie contrairement à ce qu’on pourrait croire. Parce qu’il bosse plus dur en amont, à l’entraînement, pour pouvoir produire sur le court cette créativité.

Son organisme va-t-il lui permettre de jouer encore longtemps?

C’est sa tête qui va répondre à cette question. Et c’est l’organisme qui sera au service de sa tête. Mais quand on voit ce qui brille dans ses yeux, depuis le début de l’année, quand on voit qu’il se réjouit comme un gamin, c’est beau. Il y a encore beaucoup de fraîcheur en lui…


«Wawrinka est le sportif suisse le plus sous-estimé. Ce n’est pas normal»

Stan Wawrinka, c’est l’autre immense champion dont vous vous occupez. Vous êtes comblé avec de tels joueurs, non?

Je suis un type heureux, oui. Mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas du travail. J’ai la chance de connaître deux joueurs qui sont fantastiques tout en étant différents. A leur façon, ils ont des approches identiques en termes de professionnalisme. Il y a chez eux cette espèce de ténacité, l’idée de ne rien lâcher. Ils sont d’accord de travailler sur le long terme, ils ne remettent jamais le boulot en question.

Wawrinka n’a exploité que tardivement tout son potentiel: il a remporté son premier Grand Chelem à 28 ans. Pourquoi ce délai?

Je suis l’entraîneur physique de Stan depuis la fin de 2002. Tout ça, c’est le fruit du travail qu’il a accompli avec tout son staff, notamment Dimitri Zavialoff et ensuite Magnus Norman. Et puis d’abord, je voudrais dire quelque chose: personnellement, je pense que Stan est le sportif suisse le plus sous-estimé. Ce n’est pas possible: ce joueur a gagné trois Grand Chelem, il figure parmi les meilleurs du monde depuis longtemps. Je l’ai vu bosser comme un fou, pendant que personne ou presque ne misait un kopek sur lui. Et aujourd’hui, j’ai l’impression que cela va de soi qu’il ait remporté Melbourne, Paris et New York. Mais c’est toute la carrière de Stan qui est un exploit. Il a construit tout ce qui lui arrive. Il bâtissait déjà tout cela quand il avait 16 ans et après encore, à toutes les étapes de sa vie. On oublie une chose. Si Roger n’existait pas, on parlerait ouvertement de Stan comme du joueur exceptionnel qu’il est, on dirait que nous n’avons jamais eu un tel champion de tennis en Suisse. En fait, on perd le sens de la réalité parce qu’à côté, il y a une personne si unique qui s’appelle Federer. Mais pourquoi ne pas accorder à Stan le crédit qui lui revient avec ses résultats d’exception, juste parce qu’il y a quelqu’un qui réalise au niveau mondial des choses qui n’avaient jamais existé, qui a pulvérisé tous les records?

Le sport est injuste…

Non. Ecoutez, quand je sais le crédit que Rodge porte à Stan, pour ce qu’il a accompli, je me dis que certains médias devraient en faire le triple pour lui. Parce que Rodge ne donne pas son admiration comme ça et il a beaucoup de respect pour lui. Et Stan mérite ce respect. C’est complètement normal que Roger Federer soit admiré comme il l’est partout dans le monde. Mais personnellement, je ne vais pas oublier Stan Wawrinka pour autant.

Stan Wawrinka souffre-t-il de ce manque de reconnaissance?

Stan, il laboure son chemin. Il avance. Il entend des choses?

Il avance. C’est ça qui est admirable avec lui. Il avance toujours. Il est une grande star, il n’a pas besoin de souffrir de ça. Je ne sais pas au fond s’il en souffre. Mais moi, oui, j’aimerais voir plus de reconnaissance pour ce qu’il fait.

Stan aussi peut-il jouer encore longtemps, lui qui a un jeu assez usant physiquement?

C’est un top joueur en top forme à 32 ans. Il vient systématiquement à l’entraînement avec une faim de dévorer les exercices. Cela veut dire qu’il est jeune dans la tête et qu’il a encore de l’avenir, oui. Avec lui aussi je m’adapte en fonction de tout ce qu’il a déjà fait. Mais quelque part, j’ai presque l’impression qu’il est plus jeune aujourd’hui qu’à 28 ans. D.V.(TDG)

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