Un sujet qui préoccupe aujourd’hui de plus en plus de personnes, engagées ou non, et trouve progressivement – et on ne peut que s’en réjouir – des solutions visant à éradiquer certaines pratiques dépassées et contribuent à n’en pas douter à mieux intégrer notre sport favori dans l’environnement.
Le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris s’est emparé du sujet il y a maintenant quelques années, en partenariat avec la Fédération Française de Golf. L’étude qu’il a commencé à mener et poursuit aujourd’hui, en particulier avec certains responsables de clubs sensibles à ces questions, donne des signes encourageants et surtout démontre que la collaboration entre amoureux de la nature et de la biodiversité d’un côté, golfeurs de l’autre, peuvent tout à fait œuvrer ensemble dans le sens de l’intérêt commun et non pas en confrontation stérile, comme ce fut trop longtemps le cas.
Nous avons décidé de reproduire ici quelques extraits parmi les plus significatifs de cette étude publiée également fin 2019.
Une pierre de plus dans l’édification d’un nouvel ordre environnemental dans lequel le golf a toute sa place. D.M.
SUR LA GESTION D’UN GOLF
« La gestion d’un parcours de golf implique une maintenance quotidienne et une connaissance technique du terrain de haut niveau. En effet, le gestionnaire de parcours doit être capable de mettre en relation des compétences et des informations relatives à la météorologie, la pédologie, l’écotoxicologie, la botanique, la connaissance des matériels (tondeuses, débroussailleuses, etc.) et des systèmes de drainage et d’irrigation d’un parcours. En l’absence d’une vision intégrative, le gestionnaire peut rapidement adopter une méthode de travail acharné «contre» les éléments naturels alors qu’il est nécessaire de composer « avec » afin de s’inscrire dans une logique économique, écologique et sociale viable à long terme … »
Sur les produits phytosanitaires «… L’Institut Ecoumène préconise l’utilisation de produits phytosanitaires uniquement en cas de risque d’impact majeur pour les parcours, ce qui in fine vise à réduire considérablement leur utilisation, et promeut en parallèle des techniques alternatives. Dans cette optique, un réseau national d’épidémio-surveillance a été développé par l’Institut.
Ce dernier publie des « bulletins d’alerte » réguliers afin d’informer les golfs sur la recrudescence des maladies et organismes dommageables, à certaines périodes de l’année et selon les secteurs géographiques ».
Afin de limiter l’utilisation des produits phytosanitaires, certaines pratiques plus respectueuses sont désormais répandues sur les parcours de golf, parmi elles : l’utilisation d’extrait d’ail permet de traiter les greens des parcours contre certains organismes dommageables aux gazons (larves de tipules notamment), l’application d’agents mouillants peut permettre de réduire les maladies cryptogamiques et de fait l’utilisation d’anti-fongiques. Le compostage des matières organiques sur site limite également l’usage d’engrais de synthèse, notamment dans les zones de plantations à vocation paysagère … »
SUR LA GESTION DE L’EAU
« Les pratiques ont considérablement évolué puisque 90 % des golfs utilisent désormais de l’eau impropre à la consommation humaine dans leur gestion quotidienne (ffgolf 2013)… »
Sur la biodiversité méconnue et le patrimoine naturel à préserver et valoriser
« les golfs peuvent présenter des milieux à caractère naturel, voire laissés en libre évolution, en dehors des zones de jeu. Ces espaces peuvent aussi constituer des relais dans les continuités écologiques, notamment en contexte urbain ou péri-urbain. Certains golfs abritent ainsi une biodiversité insoupçonnée, à l’image des milieux naturels présents dans leur périphérie immédiate : plus de 50 % des golfs de France métropolitaine seraient d’ailleurs concernés par un ou plusieurs zonages environnementaux sur leur foncier… »
Sur la place des golfs dans les territoires
« Aujourd’hui, il y a davantage d’extensions que de créations de golfs. Même si la demande en espaces de jeu a tendance à s’accroître, certains projets de golfs ne se concrétisent pas (financements, autorisations réglementaires, acceptation « sociale »). On estime en moyenne que 14 parcours de golfs se créent ou s’étendent chaque année sur le territoire métropolitain. Cette dynamique pose la question du foncier impliqué et de la réglementation en vigueur (types de projets soumis à étude d’impact, prise en compte des périmètres réglementaires et zonages environnementaux, récupération de foncier réhabilité, etc.). Il est aujourd’hui essentiel d’anticiper le plus en amont possible les créations et extensions de golf, sur un territoire où les pressions exercées sur le foncier n’ont jamais été aussi importantes. Si les parcours de golfs ont intérêt à participer à des projets de territoire cohérents, ils ne peuvent en revanche espérer s’étendre s’ils ne rentrent pas dans une logique d’intégration territoriale préservant à la fois les enjeux de biodiversité, les paysages et les dimensions culturelles et sociales locales … »
Au Golf National
« Une expertise, ayant fait appel à une vingtaine de spécialistes de 17 groupes taxonomiques différents, faisait déjà état d’une biodiversité importante sur le golf National : 782 espèces tous taxons confondus ont été recensées dont 267 espèces de Plantes, plus de 70 espèces d’Oiseaux, 87 espèces de Papillons, sept espèces d’Amphibiens et 88 espèces de Coléoptères ; parmi elles, 42 espèces ont été considérées comme patrimoniales.
Au Domaine du Bois de Bouis (Vidauban)
« Le domaine, incluant le parcours de golf, présente des enjeux écologiques particulièrement forts ; parmi eux, une population de plus de 100 individus de tortue d’Hermann. Plus d’une cinquantaine d’experts sont intervenus pour améliorer la connaissance de la biodiversité sur le foncier du domaine du bois de Bouis, permettant la récolte de près de 13500 données correspondant à plus de 3000 espèces, dont une majorité d’Invertébrés; parmi eux, des Hyménoptères (Ramage 2016), des Araignées (Hervé 2012, 2014; Bosmans & Hervé 2015), des Diptères (Daugeron 2014; Whiters 2016), des Myriapodes (Geoffroy 2016), des Hémiptères (Dusoulier 2016), des Collemboles (Deharveng & Bedos 2015) et des Mollusques continentaux (Léonard et al. 2016). Ces expertises ont permis la découverte de nouvelles stations d’espèces pour le département ou la région (Rault et al. 2015) et l’identification de nouvelles espèces pour la France et pour la science.
L’optimisation de la gestion du parcours de golf de Vidauban, en lien avec les enjeux écologiques existants, est également une des priorités de ce nouveau partenariat. »
Au Golf de Chantilly
« Les inventaires menés ont permis de mettre en lumière le patrimoine naturel du golf de Chantilly ainsi que les pratiques vertueuses déjà opérées depuis plus de 10 ans, telles que la fauche tardive des prairies, la mise à disposition d’abris pour la faune et la conservation de bois mort sur pied. Ce golf peut pleinement s’insérer dans les continuités écologiques locales et jouer un rôle dans la préservation de communautés végétales et animales patrimoniales ou plus communes, en maintenant et valorisant ses espaces naturels, en lien avec les enjeux écologiques identifiés à proximité (Roquinarc’h & Lacoeuilhe 2018). Dans le cadre du Programme Golf pour la Biodiversité (voir ci-après), des sujets de recherche sont envisagés, particulièrement sur les réponses spatiales et temporelles des communautés animales et végétales aux changements de pratiques de gestion ».
LE PROGRAMME GOLF POUR LA BIODIVERSITE
« Désireuses de mettre en œuvre des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de faire changer l’image du golf, certaines structures golfiques ont développé de nouvelles méthodes de gestion bien avant le lancement du Programme Golf pour la biodiversité, en travaillant avec des associations naturalistes (Partenariat Golfs Bluegreen/LPO, notamment), des parcs naturels régionaux, des conservatoires d’espaces naturels ou des bureaux d’études, elles ont aussi appris à mieux connaître la biodiversité de leurs sites et ont pu mettre en place des mesures de gestion écologique adaptées. »
CONCLUSION
l’idée n’est pas de se positionner « pour » ou « contre » le golf mais plutôt d’accompagner celui-ci vers une démarche plus écologique.
« Dans la mesure où une activité répond à une demande sociale et économique voire sociétale forte, l’idée n’est pas de se positionner «pour» ou «contre» mais bien de l’accompagner pour qu’elle soit la moins impactante pour l’environnement. La réduction des incidences environnementales est une nécessité pour la filière golfique. Les éléments qui précèdent démontrent que, dans bien des cas, les golfs peuvent être supports de connaissances scientifiques voire de restauration ou de conservation de la nature. Ce qui est valable en général dans les territoires l’est aussi en particulier pour la filière golfique: les espaces, quand les situations le permettent, doivent désormais être pensés dans une logique «multi-usages». Des espaces comme les golfs possèdent des atouts pour répondre à des besoins sociaux, économiques et environnementaux (initiation à la pratique sportive, organisation de rencontres entre gestionnaires de parcours, sensibilisation à l’environnement, accueil de travaux scientifiques, préservation des essences locales, vergers conservatoires, etc.). Si les intendants de parcours doivent garder la main sur la gestion des golfs, ils ont aussi un rôle à jouer dans la façon dont les terrains de golf évolueront et seront perçus à l’avenir par les acteurs des territoires. »
Extraits de l’article paru dans la Revue « Naturae » en octobre 2019 :
Roquinarc’h O., Lacoeuilhe A., Gourdain P., Charrier T. & Fournil C. 2019.
Le golf : activité sportive contre-nature ou opportunité écologique ?
www.revue-naturae.fr