Une opération “très fréquente”, voire “abusive” : selon un groupe de chirurgiens orthopédiques de la Société Française d’Arthroscopie (SFA), la pratique de la méniscectomie, l’ablation des ménisques du genou, est à minimiser, les risques associés à long terme n’étant pas à négliger et les alternatives trop peu exploitées.
Des risques d’arthrose
La méniscectomie est indiquée lorsque la lésion méniscale, dégénérative ou conséquente à un traumatisme (chute, blessure sportive, etc.), s’accompagne de douleurs ou d’une gêne (blocage). La zone lésée du ménisque, petit cartilage servant notamment à stabiliser le genou, est alors retirée. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande en effet la réalisation d’une ablation “la plus partielle possible” pour préserver au maximum les tissus sains et ainsi éviter les risques d’ arthrose, l’ablation complète du ménisque accélérant l’usure du cartilage.
La réparation méniscale suffirait dans au moins 15% des cas
Sauf que les chirurgiens sont encore nombreux à pratiquer des méniscectomies totales, plus faciles et moins coûteuses, sur des patients pour qui une chirurgie partielle, une réparation méniscale (suture) voire un traitement médical (médicaments antidouleurs, immobilisation par attelle, séances de rééducation, etc.) aurait suffi. L’AFP rapporte que parmi les 200 000 à 250 000 patients opérés chaque année en France, “seuls 5% font l’objet d’une réparation méniscale”. Or, “au moins 15% des lésions pourraient être réparées”, assure le docteur Nicolas Pujol, secrétaire général de la SFA.
“Former et informer les chirurgiens”
“Nous voulons former et informer les chirurgiens, mais aussi sensibiliser tous les acteurs dans un but de santé publique : patients, décideurs, médecins du sport…”, explique Yacine Carlier, membre du bureau de la SFA. Lui et ses collègues souhaiteraient également une revalorisation financière de la réparation du ménisque “qui inciterait les hôpitaux et les cliniques à la pratiquer davantage”. Ce qui, en plus, permettrait de réaliser des économies sur le long terme, “en comptabilisant les dépenses de santé (anti-douleurs, anti-inflammatoires, pose de prothèse…) et les arrêts de travail évités”.
Tout comme le skieur suisse Didier Defago aux JO de 2010, de très nombreuses personnes souffrent de problèmes de ménisques après un traumatisme ou, tout simplement, en vieillissant © Charles Krupa/AP/SIPA / AP / Charles Krupa/AP/SIPA
Actuellement réunis en congrès à Rennes, les membres de la société francophone d’arthroscopie lancent un message pour sensibiliser le corps médical et le grand public à la nécessité de « sauver les ménisques », qui jouent un rôle d’amortisseur dans les articulations. Actuellement, trop de chirurgie retire les parties lésées par facilité et pour répondre aux demandes des patients désireux de reprendre très vite une activité physique. Mais au risque de problèmes ultérieurs. Explications de François Sirveaux, professeur de chirurgie orthopédique et traumatologique au CHU de Nancy et actuel président de la Société francophone d’arthroscopie.
Le Point : Qui opère-t-on du ménisque aujourd’hui ?
Pr François Sirveaux : Plus de 1,6 million de ménisques ont été opérés de façon isolée au cours des douze dernières années (200 000 en 2016). Il s’agit de la chirurgie ostéoarticulaire (ou orthopédique) la plus fréquente en France. On intervient aussi bien chez les victimes de traumatismes du sport ou autres que chez les personnes âgées. Il faut savoir qu’il peut y avoir un lien entre pathologie méniscale et arthrose, cette dernière touchant non seulement le cartilage, mais aussi des tissus mous du genou, dont le ménisque, la synoviale…
Comment opère-t-on ?
Depuis plus de trente ans, en France, cette chirurgie se pratique sous arthroscopie : l’intervention qui consiste à aller dans une articulation avec une caméra et des instruments miniaturisés. Au départ, on se contentait d’enlever le ménisque malade ou lésé. De nombreux spécialistes continuent à opérer de la sorte pour deux raisons : d’abord parce que c’est un geste plus simple et surtout parce que la récupération est plus rapide. Les patients peuvent reprendre une activité normale au bout d’une semaine.
Mais les études montrent que dix ou vingt ans plus tard, il y a une usure prématurée du genou, une dégénérescence du cartilage qui peut être liée au retrait de cet amortisseur. Il faut donc changer les pratiques et c’est le sens de notre message aujourd’hui, adressé autant aux médecins qu’aux patients.
Que prônez-vous aujourd’hui ?
Avec quelles suites opératoires ?
Le patient doit prendre un certain nombre de précautions, en termes d’appui et de mobilisation du genou. Tout dépend du geste réalisé. Mais il faut bien avertir les personnes que cela vaut le coup, car, si les ménisques sont conservés, leur genou fonctionnera mieux plus longtemps. Ce qui compte n’est pas le résultat à court mais à long terme. D’ailleurs cette démarche de préservation est prônée par la Société européenne d’arthroscopie. La France est un peu en retard dans ce domaine, c’est pourquoi on veut promouvoir et expliquer cette pratique chirurgicale.