Le campus sport santé de l’ex-champion d’athlétisme, qui ouvrira en 2022, accueillera notamment une piscine olympique, une salle multisport et une résidence hôtelière de près de 110 chambres.
Champion du monde du 400 m haies puis du relais 4 x 400 m, Stéphane Diagana a mis fin à sa carrière sportive en 2004. Mais l’ancien athlète n’a jamais cessé de bouger. Il a commenté les championnats d’athlétisme à la télévision, rejoint la commission des athlètes pour les JO de Paris 2024 et le collectif des Champions de la paix de Peace and Sport… Lui et sa compagne portent également un projet de campus sport-santé à Mougins, dans les Alpes-Maritimes.
Stéphane Diagana milite pour une meilleure prise en charge financière de l’activité physique prescrite. Il estime que « le système actuel n’est pas tenable » et estime que les Jeux olympiques offrent une chance de développement énorme au sport-santé.
Quand on est sportif de haut niveau, comment en vient-on à s’intéresser au sport-santé ?
L’origine de ma relation avec le sport a plus à voir avec le sport-santé. Au départ, la compétition n’était ni un objectif ni même un rêve. J’ai commencé le sport en 1979, parce que ça me faisait du bien physiquement et que j’avais des amis qui pratiquaient. Quand on parle de sport-santé, il existe une dimension sociale et on était en plein dedans.
Il n’y a pas lieu d’opposer sport de haut niveau et sport-santé. Une étude de l’Irmes [Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport] a montré en 2013 que, contrairement à ce que l’on croit souvent, l’espérance de vie des coureurs cyclistes qui ont disputé le Tour de France est nettement supérieure à celle de l’ensemble de la population. Cela montre que, même à forte intensité, la pratique du sport a des effets positifs.
Bien sûr, il existe des risques en fonction des sports pratiqués. Des problèmes dorsaux ou vertébraux peuvent apparaître avec le temps. Mais, jusqu’à nouvel ordre, c’est aussi le cas chez les sédentaires…
Concrètement, quand avez-vous commencé à vous intéresser réellement au domaine du sport-santé ?
Après l’arrêt de ma carrière, en 2004, j’ai été sollicité par la Fédération française de cardiologie et des associations regroupant des patients fibromyalgiques. Elles s’efforçaient de faire la promotion de l’activité physique comme outil de prévention mais aussi comme facteur de recul de certains symptômes. J’ai ainsi été amené à découvrir les enjeux du sport-santé.
Mais ce qui a servi de déclencheur, c’est une méta-analyse de l’Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale] datant de 2008 sur les effets de l’activité physique sur les maladies chroniques, tant du point de vue préventif que thérapeutique. Je me souviens en particulier que, dans le cas de la BPCO[bronchopneumopathie chronique obstructive], il n’y avait pas plus efficace qu’un programme de reprise d’une activité physique. Il y a une évidence que l’on oublie trop souvent, c’est que l’homme est fait pour le mouvement.
Avec votre épouse, Odile Diagana, vous avez lancé, en 2015, un programme de recherche sur les effets médico-économiques du sport-santé chez des patients atteints de maladies coronariennes…
Vers 2007-2008, nous avons commencé à réfléchir à un programme réunissant les compétences de médecins, coachs et experts de l’activité physique et sportive. Cela a débouché sur le projet As du cœur, qui visait à mesurer les effets médico-économiques de la pratique d’une activité physique adaptée chez des patients atteints d’affections de longue durée.
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« L’absence de prise en charge de l’activité physique adaptée conduit de fait à un système de santé à deux vitesses. »
Grâce au régime social des indépendants de la Côte d’Azur, nous avons eu accès à des données de dépenses de santé. Nous avons ainsi pu calculer l’impact des économies réalisées, rapportées au coût d’intervention. Sur un échantillon, certes restreint, de 47 patients coronariens et sur une période de cinq mois d’intervention, nous avons constaté une diminution de 30 % des dépenses de santé grâce à la pratique d’une activité physique adaptée.
Une telle économie pourrait permettre de modéliser une prise en charge financière de l’activité physique. Une étude nationale à plus grande échelle, sur environ 1 700 personnes, va être réalisée cette année pour confirmer ces résultats. Elle sera financée par l’Etat. Ce n’est pas de la preuve de l’efficacité de l’activité physique qu’on a besoin aujourd’hui – elle est démontrée –, mais d’une mesure de son intérêt économique.
Pourtant, les dispositifs de prise en charge financière des thérapies non médicamenteuses restent embryonnaires. Comment l’expliquez-vous ?
La Haute Autorité de santé reconnaît depuis dix ans l’activité physique adaptée comme une thérapie non médicamenteuse validée. Depuis 2017, le décret sport sur ordonnance permet de prescrire une activité physique à un patient. Mais l’absence de prise en charge introduit de fait une inégalité d’accès aux soins et conduit à un système de santé à deux vitesses.
Quand on regarde le coût pour la collectivité des maladies chroniques, additionné à l’augmentation de ces pathologies, on voit bien que le système actuel n’est pas tenable. Certains pays ont pris les devants : à Singapour, l’activité physique adaptée est gratuite parce qu’on considère que cela relève de la santé publique.
La durée de vie augmente, mais l’espérance de vie en bonne santé stagne. Quand on se pose la question de l’âge de la retraite, il faut aussi se demander qui va y arriver en bonne santé.
La stratégie nationale sport-santé reste pourtant timide…
On est dans un entre-deux. Les pouvoirs publics invitent à prescrire, mais ne vont pas jusqu’à aborder la question du financement du dispositif. Du coup, on reste sur des financements ponctuels, par telle ou telle mutuelle, alors qu’il faudrait ouvrir les vannes en grand.
Votre projet de campus sport-santé, conçu autour d’une piste d’athlétisme et d’une piscine olympique, doit répondre à ces problématiques…
Nous nous sommes installés dans les Alpes-Maritimes avec l’objectif de trouver un lieu propice pour concrétiser ce projet, alors qu’à l’époque, en 2010, le concept de sport-santé ne rencontrait qu’une indifférence polie. Nous avons heureusement été rattrapés par l’actualité. Nous espérons démarrer les travaux cette année, pour une ouverture en 2022.
L’idée est de proposer toute une gamme d’activités physiques à des tarifs abordables, mais aussi l’accompagnement interdisciplinaire qui va avec, par exemple pour une personne très sédentaire qui veut se mettre au sport ou pour des patients atteints d’un diabète de type 2. Mais nous avons vu grand, car le centre pourra aussi bien accueillir ces personnes qu’un triathlète qui se prépare à un Ironman [triathlon longue distance]. Le campus accueillera parallèlement des programmes de recherche visant à améliorer la prescription.
N’y a-t-il pas un effet de mode autour du sport-santé ?
Il est vrai que des offres fleurissent aujourd’hui un peu partout et que chaque corps de métier a tendance à défendre sa place. Il existe un besoin de régulation et de labellisation. Il y a de la place pour tout le monde, mais il faut définir les territoires et les compétences requises, car on se trouve à la frontière du médical et du sport.
Un patient coronarien à qui son chirurgien prescrit une activité physique, par exemple, aura besoin d’un professionnel du sport qui puisse lui proposer une activité adaptée à sa pathologie. Il est nécessaire d’établir un lien entre le personnel médical et l’encadrement sportif, car chacun a un rôle à jouer dans la surveillance de l’évolution du patient.
Comment enrayer la désaffection des jeunes envers les activités physiques ?
La recommandation de l’Organisation mondiale de la santé, c’est une heure d’activité physique par jour. Même pour des jeunes qui pratiquent en club, on est à la limite de cette recommandation. C’est une bombe à retardement. Il faut que tout le monde s’interroge. J’ai participé à l’élaboration d’un rapport sur le sport à l’université, et force est de constater que le sport y est considéré comme une contrainte et non comme un vecteur d’apprentissage de compétences ou une opportunité académique.
Je suis membre de la commission des athlètes des Jeux de Paris 2024 et je pense que la question de l’héritage que laisseront les Jeux est essentielle. Si l’organisation de cet événement en France ne contribue pas significativement à faire avancer la cause du sport-santé, et en particulier celle du sport à l’école, ces Jeux ne pourront se targuer au mieux que d’une réussite partielle.