Le corps : un intermédiaire dans la performance mesurable et l’invisible !

INTRODUCTION

Une approche psychanalytique de la relation entraîneur-entraîné

Le corps : Un intermédiaire dans la performance

1La relation « entraîneur-entraîné » est un thème récurrent de la recherche en psychologie sportive. La relation intéresse les chercheurs mais aussi les médias qui surgissent souvent dans leur intimité. Les sportifs, eux-mêmes, peinent à trouver les mots justes pour qualifier les liens affectifs qui les unissent à leur entraîneur. Dans de nombreux cas, la relation est bien plus qu’une simple histoire de résultats et dépasse totalement le cadre sportif.

2Alors que l’entraîneur est souvent perçu comme un technicien, un calculateur de performance, il soutient également une position paradoxale, souvent délicate à assumer ; faite d’incertitudes, de non-maîtrise de la réussite et des contingences de la compétition (blessures, échecs).

3Dans ce contexte, l’approche psychanalytique orientée par l’apport de Freud et l’enseignement de Lacan présente un éclairage différent sur les processus à l’œuvre dans la relation, l’abordant par le registre du transfert. L’entraîneur par la place importante (en temps, en conseil, en savoir-pouvoir, en présence) qu’il prend pour l’athlète favorise la remémoration des relations affectives antérieures les plus cruciales.

4Sa fonction le conduit presque nécessairement à raviver implicitement ou explicitement pour l’athlète un rôle pris par les parents ou un modèle idéal adulte (voire idéalisé), de frère, de confident auprès du sportif. La prise en compte de l’inconscient permet de décrire la collusion affective, qui se crée entre un athlète et son entraîneur : au-delà du savoir technique même, l’entraîneur est un appui relationnel nécessaire dans la performance de haut niveau.

5C’est donc à partir du transfert, concept élaboré dans la théorie analytique, que cette étude questionne l’importance des relations aux parents, comme support construisant la particularité d’une relation entre un entraîneur et son athlète.

6Les pratiques sportives de haut niveau sont devenues des pratiques d’exercices du corps poussé à outrance : le corps, lieu de « savoir-faire » pour le sportif, n’est pas exclusivement attaché à une notion de plaisir, il permet d’atteindre ce que Freud a nommé un « au-delà du principe de plaisir », une satisfaction extrême qui confine à la douleur, également nommée « jouissance » par Lacan ; c’est à dire un éprouvé dépassant le seuil de l’homéostasie.

7Le corps vivant défini comme le lieu de la satisfaction pulsionnelle est un point de rencontre entre la psychanalyse et le sport. Le sujet recherche par l’intermédiaire de l’acte sportif, une satisfaction dans le dépassement des limites de l’organisme, qui lui permet d’éprouver des émotions paroxystiques : « vertiges, sorties de soi » (Labridy, 1997).

8De ce rapport au corps dépend la performance qu’il désire atteindre et ses exigences vis- à-vis de la relation avec son entraîneur. En effet, l’entraîneur emmène le sportif vers un idéal de performance dont ils ignorent tous les deux les éprouvés corporels : ce passage à une performance nouvelle est idéalisé, ce qui est oublié c’est que le corps va franchir une limite de jouissance ; le corps va se porter « hors-limite », hors du déjà éprouvé, ce qu’évoque Brousse (1993) : « Il s’attache à ne pas être dans son corps, à en dépasser sans cesse les limites pour se retrouver dans un ailleurs innommable ».

9La particularité de la relation réside d’abord dans le fait qu’elle doit passer par l’intermédiaire d’un corps, qui appartient au sportif et qui va être en même temps dirigé par l’entraîneur.

10Une relation singulière s’installe entre deux êtres qui désirent atteindre un idéal de performance et où l’un pourra connaître « la jouissance » dans sa chair, alors que l’autre aura à la vivre par procuration. L’entraîneur prolonge à travers la réalisation de son entraîné, la recherche d’une satisfaction que son propre arrêt de la compétition l’a empêché de réaliser pour lui-même.

La figure de l’entraîneur et son évolution socio- historique

Les logiques de professionnalisation des entraîneurs sportifs : entre modèles socioculturels et profils individuels par THÈSE présentée par : Sylvain ROUZIC

Le sport (qui étymologiquement trouve son origine dans le vieux français

« desport » de l’ancien verbe se déporter qui signifiait se divertir, s’amuser, s’ébattre) (Larousse, 1991, p. 1782), encadré et pratiqué pour lui-même, est apparu dès que la notion de jeu s’intégra à l’activité quotidienne et se dégagea progressivement des contraintes et des difficultés matérielles.

C’est dans la Grèce antique que « développer le sport » est perçu comme à la fois un bienfait physique, un moyen d’honorer les dieux mais aussi comme une promotion possible d’un système politique contribuant au rayonnement des cités.

Qu’il ait pour origine des causes sanitaires, éducatives, militaires, religieuses, politiques ou autres, le sport archaïque grec est un « tout » social qui rythme et assure la régulation de la vie sociale. En conclusion de son ouvrage « La Grèce antique contre la violence », Jacqueline de Romilly (2000) montre comment la Grèce antique a inventé le principe et l’organisation des sports afin d’assurer la cohésion, le contrôle et la paix sociale

À l’échelle de l’histoire, la définition de l’entraîneur est assez récente :

« celui qui entraîne, spécialement en termes de sport, celui qui fait métier d’entraîner pour les courses ou les exercices physiques » (Dictionnaire de l’Académie française 8ème édition, 1932).

Le terme d’entraîneur s’est imposé à la fin du XIXe siècle, en référence aux personnes sur bicyclettes « postées » devant les coureurs à pied, et, qui étaient chargées de « tirer », d’« entraîner » ces derniers.

Le plus souvent, ils choisissaient le coureur qui avait le plus de chances de gagner et, s’il venait à faiblir, reportaient leur attention sur un autre pour partager ses gains à l’arrivée.

Dans ces conditions, le coureur se mettait « en traîne », se faisait « tirer » par l’entraîneur (Sève, 2004, p. 12).

C’est aussi le cas en athlétisme où l’entraîneur est celui qui va servir de lièvre dans une course afin de créer des conditions optimales pour son athlète. Cependant, la notion d’encadrement de l’activité physique a des origines bien plus lointaines.

LE MESURABLE ET L’INVISIBLE

Résumé Le statut et la fonction de l’entraîneur sportif se sont progressivement développés avec la naissance du sport moderne, à partir de la fin du XVIIIe siècle.

Du début du XXe siècle à aujourd’hui, le modèle le plus prégnant est celui du technicien de « terrain » dont les méthodes se construisent avant tout sous l’influence socioculturelle dans laquelle il est « baigné ».

À partir des années 1980, le processus de professionnalisation qui s’est développé a eu comme conséquence une subdivision des modèles stabilisés en nombreux profils individuels, qui vont bien au-delà du simple triptyque technicien-meneur d’hommes-stratège, mis en avant dans les différentes représentations de sens commun.

L’analyse des discours de vingt entraîneurs sportifs, choisis pour représenter au mieux l’ensemble de cette population, nous permet de confirmer les modèles socioculturels connus, et de faire apparaître des profils individuels variés.

Elle permet surtout de mettre en évidence l’ensemble des logiques de professionnalisation de cette population. Qu’elles soient communicationnelles, techniques, organisationnelles ou de formation, ces logiques ont comme intérêt scientifique de montrer comment les entraîneurs sportifs se construisent professionnellement aujourd’hui.

Mots-clés : Entraîneurs sportifs, Logiques de professionnalisation, Culture sportive, technique sportive, enquête qualitative.

La notion de professionnalisation, et plus particulièrement sur celle des entraîneurs sportifs, démontre que le processus de professionnalisation engagé à partir des années 1980 dans le domaine de l’entraînement sportif, mais aussi plus largement dans le domaine du sport en général, est à l’origine d’un éclatement des statuts, des fonctions et des compétences, à l’intérieur même de la population des entraîneurs sportifs. De nombreuses logiques de professionnalisation apparaissent, et avec elles de nouveaux « profils » d’entraîneurs sportifs.

Par Marc Coureau et Dominique Fournet

concernant l’entraînement au putting :

L’angle de la face compte pour 87% dans la direction de la balle, la trajectoire du putter pour 13%. La précision du point d’impact détermine la distance. La vitesse de rotation de la balle détermine la taille du trou (chaque rotation supplémentaire réduit la taille du trou de 12% : plus on met de puissance, plus la probabilité de rentrer la balle diminue).

Ces données sont justes pour tous les golfeurs.

Elles sont certainement essentielles pour programmer un jeu vidéo. Mais vous seront-elles utiles pour améliorer votre putting ?

Dans tous les sports de haut niveau, les data sont devenues centrales.

Issues de la culture expérimentale scientifique, elles font sens au niveau collectif en donnant un aperçu dans une situation donnée de la performance relative d’un athlète par rapport à l’ensemble d’une cohorte.

Ces chiffres en eux-mêmes ne sont pas directement utiles à l’entraînement.

Ce qui fait leur valeur, c’est leur analyse par l’entraîneur et sa manière d’en tirer des pistes pour favoriser la progression des athlètes.

Entre de bonnes mains, ces données constituent un outil puissant.

Elles permettent de s’émanciper d’une subjectivité excessive et donnent un aperçu fiable de l’évolution des performances de chaque athlète sur les critères mesurés, qui sont chaque année plus nombreux et précis.

Elles sont devenues un élément essentiel de l’individualisation de l’entraînement de haut niveau vers lequel tend logiquement le sport contemporain.

Rêvons un peu : en compilant ces observations externes, on pourrait modéliser directement le comportement d’un athlète.

En quelques clics dans le programme, on établirait sa force, sa vitesse, son endurance, son accélération, son toucher de balle… Et on obtiendrait un bon jeu vidéo.

La réalité est moins arrangeante car au-delà de la qualité variable de leur exploitation, les data présentent une autre limitation, moins souvent perçue.

Pour analyser l’action, elles ne couvrent que les éléments observables depuis l’extérieur.

Or ces éléments (forces, vitesses, durées, fréquences, angles, amplitudes…) ne sont que le résultat externe et visible de processus internes et invisibles.

Même un électrocardiogramme, qui mesure l’activité d’un organe caché, ne dit rien en soi des raisons pour lesquelles le cœur se comporte d’une manière ou d’une autre.

Il ne propose qu’un relevé externe de données rendues visibles par la technologie.

Or chaque mouvement est une adaptation. Le niveau de « coordination » observé est la conséquence de l’adéquation entre le contexte interne et la question posée par le contexte externe.

Chacun de ces deux contextes fluctue en permanence – même de manière infinitésimale. Le terrain n’est pas un jeu vidéo, notre réalité n’est pas digitale, le corps humain n’est pas un joystick.

Pour obtenir une action visible identique, la variation de la construction interne est permanente.

Cette variation invisible, affinée par des millions d’années d’évolution, nous est littéralement vitale.

En adaptant chaque mouvement avec une efficience1 optimale, notre corps préserve un maximum d’énergie et de ressources motrices pour le mouvement suivant, amélioration ainsi notre probabilité de survie.

Le mouvement naturel de chaque individu se construit donc à chaque instant de l’intérieur vers l’extérieur et ce qu’il est possible d’observer n’est jamais qu’une conséquence.

Tenter d’améliorer l’efficience des fonctionnements internes et invisibles en adaptant des actions externes et visibles revient à espérer façonner les causes en modifiant les conséquences.

La mesure minutieuse de tous les aspects visibles de la performance a fait ses preuves, mais aussi trouvé ses limites.

La prochaine révolution de l’entraînement tiendra à la capacité de l’entraîneur à optimiser l’expression du fonctionnement invisible de chaque individu.

 L’efficience du mouvement s’entend comme la combinaison d’un effet maximal et d’une dépense énergétique minimale.